vendredi 16 septembre 2011

Le puits de solitude de Marguerite Radclyffe Hall

Critique de Le puits de solitude de Marguerite Radclyffe Hall

Résumé :
Quatrième de couverture : "On la jugeait singulière, ce qui, dans ce milieu, équivalait à une réprobation. Troublée, malheureuse, comme un tout petit enfant, cette large créature musclée se sentait seule, elle n'avait pas encore appris cette dure leçon : elle n'avait pas encore appris que la place la plus solitaire en ce monde est réservée aux sans-patrie du sexe".
Le puits de solitude fit scandale lors de sa parution à Londres en 1928, où il fut interdit et les exemplaires imprimés jetés au feu/ Marguerite Radclyffe Hall y dépeint l'amour entre deux femmes, contrarié par une société hostile, et prend la défense de cette minorité incomprise et méprisée. Véritable plaidoyer en faveur de l'homosexualité, Le puits de solitude est aujourd'hui, une référence littéraire reconnue par tous.
Une famille anglaise plutôt aisée attends un enfant.  Ils désirent tellement un garçon qu'ils se créent un fantasme. A la naissance, ils sont surpris de découvrir qu'il s'agit d'une fille et l'appellent Stephen, un nom masculin. Au fur et à mesure que le bébé grandit, sa silhouette se dessine, ses épaules sont larges, son bassin étroit et il ressemble de façon frappante à son père. Très tôt, Stephen s'intéresse aux armes, à la chasse et désire monter à califourchon, comme le font les garçons. Sa personnalité se dessine, elle est forte, courageuse et n'arrive pas à se résoudre à nouer ses cheveux avec des rubans ou porter de jolies petites robes.
Plus tard, elle tombera amoureuse... d'une femme. Malgré son mérite en tant qu'écrivain, ses services loyaux durant la guerre, son moral d'acier et sa force tranquille, elle sera rejetée durant sa vie entière. Le puits de solitude nous narre la douloureuse et difficile existence d'une lesbienne dans la vieille Angleterre.


Mon avis :
Les rôles masculins et féminins ont toujours été profondément ancrés dans nos sociétés. C'est ce qui amenait Simone de Beauvoir à déclarer dans Le Deuxième Sexe qu' "on ne naît pas femme, on le devient". Stephen Gordon, l'héroïne du roman, évolue dans une société très réactionnaire qui est celle de la vieille Angleterre d'avant et de l'entre-deux guerres. Il était alors inconcevable et dégradant pour une jeune femme de ne pas se marier. Les chemins des enfants étaient plus on moins tracés selon leurs sexes. Ainsi, comment envisageait-on l'homosexualité? La réponse est simple, on ne l'envisageait pas du tout. Les homosexuels allaient alors grossir les rangs des laissés pour compte, des méprisés dans le vaste no man's land de l'anormalité.
Toute petite, Stephen subit la discrimination, elle qui voudrait courir dans les champs, monter aux arbres et salir ses vêtements voit ses envies incomprises et décriées. Elle qui voudrait avoir un ami garçon pour partager avec lui les joies du sport et des activités bruyantes doit jouer avec la petite Violet, cette enfant flasque et capricieuse qui se plaît à jouer à la marchande et à la poupée. Plus tard, mise à la porte de son logis par sa propre mère, Stephen sera contrainte de ne vivre son amour qu'à l'abri des regards, dans les cafés pour "invertis" ces gens comme elle qui noient leurs rancœurs dans l'alcool et la drogue. Constamment rejetée par "ceux qui savent", elle se cloisonne peu à peu dans un petite société d'homosexuels qui souffrent du même mépris affiché.
Seule contre tous elle comprend qu'il lui faudra se battre. Puddle, une de ses institutrice la prévient que sa seule arme, c'est son talent d'écrivain, pour montrer au monde ce qu'elle vaut, ce qu'elle est. Il est net que l'auteure s'est mise elle-même en scène à travers le personnage de Stephen qui partage avec elle de nombreuses caractéristiques. Marguerite Radclyffe Hall, écrivain lesbienne se bat également avec sa plume contre un monde hétéronormé et intolérant. Son livre fut interdit en Angleterre mais il sensibilisa de nombreuses personnes à la cause homosexuelle. 
Les aventures qui arrivent à Stephen sont poignantes, souvent très dures émotionnellement. Lorsqu'elle rencontre l'amour, le lecteur ne peut qu'être attendri par ces sentiments sincères et profonds. Dans le roman, il y aura très peu de personnes ouvertes qui s'engageront en faveur de Stephen et le livre contient comme le lecteur s'y attend, plus de drames que de joies. Le seul horizon d'espoir du roman, c'est nous, lecteurs attentifs qui devons aujourd'hui prendre la mesure d'un tel texte et ne jamais oublier qu'il est essentiel de se poser des questions pour ne jamais cautionner des discriminations (racisme, sexisme, spécisme... etc.)
Aujourd'hui la critique de l'hétéronormalisation gagne chaque jour en visibilité. Aujourd'hui, les couples homos tendent vers la reconnaissance mais il reste encore beaucoup de chemin à parcourir. Les rôles "masculins" et "féminins" sont remis en cause notamment grâce aux "gender studies". Je conseille la lecture de ce livre à tous ceux qui veulent se rendre compte du poids des discriminations sur l'individu. On est libre d'avoir ses idées propres et à titre personnel, je ne suis pas forcément une militante de la cause mais chaque être humain à droit au respect et à mener une vie décente dans la libre affirmation de sa nature profonde.
Du même auteur :
  • The Forge
  • A Saturday Life
  • Adam's Breed
  • The Master of the House
Vous aimerez peut-être aussi :
  • Le festin nu de William Burroughs
  • La chatte sur un toit brulant de Tennessee Williams
  • La Confusion des sentiments de Stephen Zweig
  • La pensée straight de Monique Wittig
  • Le Corps lesbien de Monique Wittig
  • Les Guérillères de Monique Wittig

4 commentaires:

  1. Faut que je le lise celui-ci ! Ta chronique fais envie !

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  2. Une superbe chronique dis donc :) Ce livre m'a l'air émouvant et il faudrait que je le lise également !

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  3. Si j'avais un compte Facebook de blog, je crois que je ne pourrais pas m'empêcher de mettre un lien vers toutes tes chroniques

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  4. Découvert à la bibliothèque municipale (que je bénis encore pour sa largesse d'esprit), qu'est ce que j'ai pu aimer ce livre!
    J'ai pleuré je ne sais combien de fois à la première lecture, un peu moins à la seconde dix ans plus tard, mais à peine.
    Non seulement le contenu est de qualité - ton article en est le reflet - mais l'écriture est magnifique.
    Shanaa, je m'en charge à ta place :)

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