jeudi 9 août 2018

L'Œuvre au Noir de Marguerite Yourcenar

Critique de L'Oeuvre au Noir de Marguerite Yourcenar


Résumé :
Quatrième de couverture : En créant le personnage de Zénon, alchimiste et médecin du XVIe siècle, Marguerite Yourcenar, l'auteur des Mémoires d'Hadrien, ne raconte pas seulement le destin tragique d'un homme extraordinaire. C'est toute une époque qui revit dans son infinie richesse, comme aussi dans son âcre et brutale réalité : un monde contrasté où s'affrontent le Moyen Âge et la Renaissance, et où pointent déjà les temps modernes, monde dont Zénon est issu, mais dont peu à peu cet homme libre se dégage, et qui pour cette raison même finira par le broyer.
L'Oeuvre au Noir a obtenu en 1968 le prix Femina à l'unanimité.
Au coeur du XVIe siècle naît, vit et meurt Zénon, fils bâtard de Messer Alberico de' Numi jeune courtisan chez les Borgia et d'Hilzonde Ligre, soeur d'Henri-Juste Ligre, un flamand épris d'Italie qui accueille ce dernier chez lui. Son statut dans la société prédestine Zénon à des études de théologie pour intégrer l'Église mais très tôt, l'enfant témoigne de capacités remarquables pour l'étude. Grâce à l'enseignement du beau-frère d'Henri-Juste, le chanoine de Saint-Donatien à Bruges Bartholommé Campanus, il apprend rapidement le latin, un peu de grec et les fondamentaux de l'art alchimique. À Bruges, il fréquente également des garçons du peuple comme Jean Myers ou encore Colas Gheel qui développent chez lui un amour de l'expérimentation pratique. Pour confirmer son aspiration à la prêtrise, il s'inscrit à l'École de théologie très renommée de Louvain. Ainsi débute le parcours de Zénon, personnage fictif dont le destin de médecin philosophe ranime les débats, les controverses et les passions qui travaillèrent le XVIe siècle.

L'Homme de Vitruve, dessin annoté de Léonard de Vinci, vers 1490.


jeudi 15 décembre 2016

Sur les chemins noirs de Sylvain Tesson

Critique de Sur les chemins noirs de Sylvain Tesson


Résumé :
Quatrième de couverture : Il m'aura fallu courir le monde et tomber d'un toit pour saisir que je disposais là, sous mes yeux, dans un pays si proche dont j'ignorais les replis, d'un réseau de chemins campagnards ouverts sur le mystère, baignés de pur silence, miraculeusement vides.
La vie me laissait une chance, il était donc grand temps de traverser la France à pieds sur mes chemins noirs.
Là, personne ne vous indique comment vous tenir, ni quoi penser, ni même la direction à prendre.
Écrivain-voyageur, Sylvain Tesson a sillonné la Sibérie, chevauché dans les steppes et campé sur les bords du lac Baïkal. Mais c'est un récit de voyage d'un autre genre qu'il raconte dans Sur les chemins noirs. Alors qu'il fêtait la publication prochaine d'un de ses livres, il fait une chute de près de dix mètres en escaladant la façade d'une maison. Après une dizaine de jours passée dans le coma, il débute une longue période de rémission à l'hôpital mais conserve de graves séquelles de cet accident. Etant encore alité, il se promet de réaliser un tour de France dès qu'il pourra marcher librement à nouveau. Il remarque, avec beaucoup d'ironie, que bien qu'il connaisse la Sibérie et même l'Himalaya, la France et ses régions ne lui sont pas familières. Il décide alors d'aller à la découverte de son propre pays dans le cadre d'un périple intime, par ce qu'il appelle "ses chemins noirs", c'est-à-dire les petits chemins des zones hyper-rurales, tout juste répertoriés sur les cartes de l'IGN au 25 000e. Du Mercantour jusqu'au Cotentin, il traverse le pays par la diagonale du fou, privilégiant les espaces solitaires, et livre au lecteur, pas à pas, ses impressions de voyage.



mardi 30 août 2016

Une Vie de Maupassant

Critique d'Une Vie de Maupassant


Résumé :
Quatrième de couverture : À dix-sept ans, radieuse, prête à toutes les joies, à tous les hasards, Jeanne quitte enfin le couvent. Dans le désœuvrement des jours et la solitude des espérances, de toutes ses rênes, le plus impatient est celui de l'amour... Oh ! Elle en sait des choses sur le frémissement des cœurs, l'élan des âmes. Elle les a si souvent pressentis, espérés, ces bonheurs-là. Aussi, lorsqu'il paraît, le reconnaît-elle sans peine. L'être créé pour elle... Julien ! Le même écho s'éveille en leurs cœurs... Le mariage scellera leur amour. Mais que suit-elle, lorsque le voile se déchire, des grandes étreintes, des secrets d'alcôves, des désirs d'hommes ? Que sait-elle de l'amour sinon sa poésie ? Alors ils se regardent... Les illusions, à peine écloses, déjà se fanent et bientôt ne sont plus. C'est une vie qui se déroule...
Jeanne est née dans une famille de petits nobles de province. Son père est un baron attaché aux idées du siècle dernier qui, à l'instar de Diderot, cultive un athéisme moral ; sa mère, une lettrée romantique, lectrice de Corinne, un roman de Madame de Staël. Lorsque Jeanne sort du couvent où sa famille l'avait placée pour lui assurer une éducation complète d'honnête fille et sauvegarder sa chasteté, la vie se présente à elle comme un plat qu'elle est avide de goûter. Une fois parvenue dans la maison de son enfance, le domaine des Peuples, elle s'éveille naturellement à l'amour avant même l'arrivée d'un potentiel prétendant. Lorsque le vicomte Julien est introduit au domicile familial, elle en tombe amoureuse comme si elle obéissait à la logique des choses, à un destin irrémédiable. Julien vient d'une famille désargentée mais les parents de Jeanne n'émettent pas d'objection et le mariage est vite conclu : le jeune ménage s'installera dans la demeure familiale. Le domaine des Peuples devient alors le théâtre et le témoin des bouleversements de la vie de Jeanne.

lundi 4 juillet 2016

Les Antimodernes d'Antoine Compagnon

Critique des Antimodernes de Joseph de Maistre à Roland Barthes d'Antoine Compagnon



Résumé :
Quatrième de couverture : Qui sont les antimodernes? Non pas les conservateurs, les académiques, les frileux, les pompiers, les réactionnaires, mais les modernes à contrecœur, malgré eux, à leur corps défendant, rétifs au modernisme naïf et zélateur du progrès.
Quelques grands thèmes - dégagés à partir de la lecture de Joseph de Maistre, Chateaubriand, Baudelaire, Flaubert d'un côté, de l'autre Proust, Caillois ou Cioran - caractérisent le courant antimoderne aux XIXe et XXe siècles : historique, la contre-révolution ; philosophique, les anti-Lumières ; moral, le pessimisme ; religieux, le péché originel ; esthétique, le sublime ; et stylistique, la vitupération.
Antoine Compagnon examine quelques configurations antimodernes majeures : Lacordaire, Léon Bloy, Péguy, Albert Thibaudet et Julien Benda, Julien Gracq et, enfin, Roland Barthes, "à l'arrière-garde de l'avant-garde", comme il aimait se situer.
Les antimodernes ont été le sel de la modernité, son revers ou son repli, sa réserve et sa ressource. Sans l'antimoderne, le moderne courait à sa perte, car les antimodernes ont donné la liberté aux modernes : ils ont été les modernes plus la liberté.
Par la dénomination d'antimoderne, Antoine Compagnon essaie de qualifier un profil particulier d'écrivains du XIXe et du XXe siècles à partir de Joseph de Maistre. Il n'entend pas par "antimoderne" quelqu'un qui s'oppose à la modernité ou tend à la récuser, à la rejeter. Au contraire l'antimoderne doit avoir goûté à la modernité, y avoir cru mais s'en être détaché ou entretenir un rapport ambivalent avec elle. Par conséquent, l'antimoderne peut relever de profils très hétéroclites, ce qui explique la diversité et la multiplicité des auteurs convoqués par Antoine Compagnon dans l'ouvrage : Joseph de Maistre, Baudelaire, Péguy, Thibaudet ou encore Jean Paulhan, Julien Benda et Julien Gracq, autant d'écrivains très différents.
La première partie de l'essai intitulée "les idées" donne quelques traits caractéristiques, selon l'auteur, des antimodernes. Ils sont opératoires à des plans divers (religieux, esthétique, stylistique...). La seconde partie, plus longue, est intitulée quant à elle "les hommes" et se subdivise en chapitres consacrés à un ou plusieurs auteurs jugés antimodernes. Les portraits se distinguent par une attention importante consacrée à l'homme, à son ancrage social et politique dans la société ainsi qu'à son rapport avec les institutions littéraires. Les citations fréquentes permettent au lecteur de juger "sur pièces" et de confronter, au fil de la lecture, les différents profils pour tenter de lier ces écrivains les uns aux autres.

mardi 28 juin 2016

Les Pauvres Gens de Dostoïevski

Critique des Pauvres gens de Dostoïevski


Résumé :
Quatrième de couverture : Les Pauvres Gens est le premier roman publié par Dostoïevski, celui qui le rendit d'emblée célèbre. Il a raconté comme l'idée lui en était venue : en se promenant un soir d'hiver dans Pétersbourg. Toute la ville lui apparut comme une rêverie fantastique. "C'est alors que m'apparut une autre histoire, dans quelque coin sombre, un cœur de conseiller titulaire, honnête et pur, candide et dévoué à ses chefs, et avec lui, une jeune fille, offensée et triste, et leur émouvante histoire me déchira le cœur".
Toute la littérature du XXe siècle est dans la dernière phrase : "Vous savez, je ne sais même plus ce que j'écris, je ne sais plus rien, je ne me relis même pas, je ne me corrige pas. J'écris seulement pour écrire, pour m'entretenir avec vous un peu plus longtemps..."
A Saint-Pétersbourg, Macaire Alexéïevitch Diévouchkine et Varvara Alexéïevna Dobrossiélova habitent des chambres modestes qui se font face dans un immeuble avec une cour intérieure. Apparemment parents éloignés, ce fonctionnaire pauvre et cette jeune fille livrée à elle-même à l'écart de sa famille entretiennent une correspondance amicale. Macaire Alexéïevitch, touché par le courage et l'honnêteté de Varvara qu'il désigne le plus souvent par le diminutif affectif "Varinka" tente au quotidien de rendre la misère de cette dernière moins étouffante en lui faisant de petits présents et en lui prodiguant toutes sortes d'attentions. L'amour de Macaire et la tendresse de Varinka animent discrètement leurs lettres respectives. Ils partagent un sentiment de sollicitude l'un envers l'autre et cette correspondance apparaît comme la traduction en mots des conversations silencieuses amorcées de fenêtre en fenêtre, de présent en présent. Car après tout, l'existence est moins lourde quand on la supporte à deux.

Illumination de Saint-Pétersbourg par Fédor Vasilyev, 1869.

dimanche 8 mai 2016

L’Écuyer mirobolant de Jérôme Garcin

Critique de L’Écuyer mirobolant de Jérôme Garcin


Résumé :
Quatrième de couverture : "En équitation comme dans l'armée, Étienne savait combien c'eût été vain de vouloir casser les rebelles, soumettre les acariâtres, et qu'il était impossible d'atteindre la légèreté par la force, le brillant par la colère. Même les étalons les plus impérieux, il ne les avait pas combattus. Au contraire, il n'avait eu de cesse de vouloir les comprendre pour mieux s'en faire des alliés. Quel que fût le cheval, il n'aspirait qu'à se passer des aides. Il rêvait en effet de régner sans poids ni appuis, par le seul souffle de la botte, la caresse du cuir et la profondeur de l'assiette. Monter n'était plus alors une activité physique, c'était une pensée pure, un acte de foi."
Jérôme Garcin est notamment l'auteur, aux Editions Gallimard, de La chute de cheval, Bartabas, roman et Cavalier seul.
Étienne Beudant, né en 1863 et mort en 1949, est un illustre écuyer français. Officier de cavalerie à Saumur, il sera envoyé en Algérie durant la guerre d'indépendance. Jérôme Garcin livre au lecteur une biographie romancée de cette figure importante et émouvante de l'équitation française. Passeur de cultures, d'émotions, ouverture tentée vers l'absolu et l'expérience de la transcendance, le cheval est l'objet d'une quête dans le texte.  Faire le portrait du cavalier n'est pourtant pas un prétexte pour brosser le portrait de l'homme : Jérôme Garcin montre que l'homme n'existe pas sans le cheval. Bartabas disait du cavalier sans monture qu'il lui manquait la moitié de son sang, ici le sang du livre, ce sont précisément les chevaux.

Étienne Beudant et le barbe Mabrouk au piaffer.

dimanche 20 mars 2016

Le Roman de la Rose ou de Guillaume de Dole de Jean Renart

Critique du Roman de la Rose ou de Guillaume de Dole de Jean Renart

Résumé :
Quatrième de couverture : Le Roman de la Rose de Jean Renart est une des œuvres les plus neuves et les plus complexes du Moyen Âge. Il substitue à l'Ouest arthurien l'Est impérial autour de l'empereur Conrad qui nous offre une synthèse des attributs des trois principaux personnages, le jongleur Jouglet, le chevalier Guillaume de Dole et sa sœur, la belle Liénor, en même temps qu'une réflexion sur la souveraineté, ses fondements et sa légitimité. Pour Jean Renart, le romancier doit rechercher le vraisemblable, au sens narratif du terme, par la logique des actions, et le véritable, en entretenant l'effet de réel dans la description des êtres et des choses. Ainsi assiste-t-on à la création du "nouveau roman" médiéval par une géographie plus précise, par des héros pseudo-historiques au milieu de personnages secondaires bien réels, nommément désignés, contemporains de l'auteur et contemporains entre eux, par des interventions fréquentes du narrateur, par des dialogues qui se rapprochent de la conversation courante, par l'élargissement de l'univers romanesque aux jongleurs, aux vavasseurs et aux bourgeois détenteurs de la richesse et du pouvoir économique. De surcroît, Renart fait de la littérature avec la littérature de son temps et même avec sa propre littérature (Le Lai de L'Ombre). Il est une innovation dont il se flatte dans son prologue : il a entrelacé le texte narratif, sans en rompre la cohérence, de poèmes lyriques, aristocratiques et populaires, dont il nous offre une véritable anthologie. Dans le même temps, il nous propose un nouvel art de vivre, qui relègue au second plan la religion et l'idéal chevaleresque, prônant une morale de la largesse, voire de la prodigalité, au service de la joie et de la jouissance amoureuse, dans un univers de richesse, de beauté et d'élégance, sans rien de compassé. Mais lucidité et réalisme ne perdent jamais leurs droits dans un roman qui aime à suggérer l'envers du décor, qui recherche l'inattendu dans le langage et l'écriture, dont l'art du détail relève du pointillisme.
Aux antipodes de ce que l'on retient généralement des romans médiévaux du XIIe et XIIIe siècles, Le Roman de la Rose ou de Guillaume de Dole se cultive une veine que la critique (par exemple la médiéviste Rita Lejeune) a eu tendance à qualifier de "réaliste". Après un long prologue introduisant le lecteur à la Cour de l'empereur Conrad, une intrigue débute autour du thème de la gageure : la belle Liénor, sœur du chevalier Guillaume de Dole, pour laquelle l'empereur avait éprouvé un vif attachement en écoutant les récits du jongleur Jouglet, aurait fauté autrefois avec le sénéchal de la Cour. Essaimée d'épisodes formant de véritables petites entités comme celui du tournoi, une enquête va alors se développer et son moteur principal c'est la renardie : la ruse du narrateur autant que des personnages. Se jouant des codes littéraires autant que des usages, l'auteur propose un portrait original et familier de la société courtoise. Les attendus sont maniés avec distance voire dérision pour mener plaisamment l'auditeur-lecteur vers le dénouement. Les insertions lyriques alimentent l'ornatio et confèrent à l'ensemble une agréable variété.