mercredi 31 août 2011

Sommeil de Haruki Murakami

Critique de Sommeil de Haruki Murakami

Résumé :
Quatrième de couverture : Une des nouvelles les plus énigmatiques de Haruki Murakami, superbement illustrée aux couleurs de nuit par Kat Menschik. Dans un style pur et cristallin, une plongée obsédante dans les dix-sept nuits sans sommeil d'une femme, pour pénétrer tout le mystère et la magie de l'univers du maître.
"Murakami-san distille ses poisons subtils avec la placidité des sages." Claude-Michel Cluny (Le Magazine Littéraire)
"Du pur Murakami" Elle
"Haruki Murakami s'est construit un univers sans limites, aux confins de tous  les possibles, il s'est fait l'écrivain de l'audace et de la subtilité." Martine Laval (Télérama)
"Depuis trois décennies, Murakami distille ses nectars dans une œuvre subtile où les ténèbres les plus inquiétantes et la grâce la plus lumineuse se mêlent jusqu'au vertige." André Clavel (Lire)
Une femme dont on ne connaît pas  le nom cesse de dormir. Il ne s'agit pourtant pas d'insomnie, le besoin de dormir semble seulement avoir disparu chez elle. Nuit après nuit elle quitte son lit et s'active, seule. Ses proches poursuivent leur routine quotidienne mais ses journées à elle varient, petit à petit. Personne ne se rend compte du changement qui s'opère chez cette femme et malgré le fait que cela semble biologiquement impossible, son corps reste énergique et sain même après dix-sept nuits sans repos.

Mon avis :
Haruki Murakami excelle dans la création de personnages étranges et attachants. Il sait placer son lecteur dans un univers onirique et flou, aux frontières du réel. Ici encore, le fantastique semble se mêler au tangible : est-il biologiquement possible de ne pas dormir pendant dix-sept nuits? La narratrice de la nouvelle se le demande également sans parvenir à trancher.
Cette femme n'a pas d'identité propre, elle pourrait correspondre à pratiquement n'importe quelle japonaise trentenaire. Son quotidien est rangé, presque mécanique. Le matin elle prend son petit déjeuner avec son mari et son fils, ensuite elle fait les courses, range la maison ou fait une lessive ; vers onze heures elle prépare le repas pour son mari qui rentre manger, plus tard dans l'après-midi elle va nager une demi-heure ; à sa sortie de la piscine elle effectue d'autres corvées ou travaux ménagers jusqu'à l'arrivée de son mari et de son fils, ils mangent le repas qu'elle a préparé et à dix heures du soir tout le monde se couche. Cette journée type ne varie jamais à un tel point que dans son journal, elle écrit toujours la même chose. 
Cependant, un jour après un cauchemar qui la tire violemment de son sommeil, elle se rend compte qu'elle ne peut plus dormir. C'est comme si son corps n'avait jamais eu besoin de repos, elle ne ressent plus l'envie d'aller se coucher. A partir de ce moment là, sa vie change. Elle sort la vieille bouteille de cognac pleine de poussière et la vide petit à petit. Ses journées elle les occupe à lire Anna Karénine de Tolstoï et Dostoïevski en mangeant du chocolat (friandise qu'elle ne s'était jamais accordée depuis son mariage en raison du regard que son mari pourrait porter sur elle). La séance de piscine quotidienne se rallonge alors que les courses attendent. Tout tourne à l'envers et ses opinions changent, elle qui n'était pas capable de faire la différence entre Mozart et Haydn souhaite écouter davantage de musique classique. De plus, ses nuits sans sommeil sont une occasion de reconsidérer la vision qu'elle avait d'elle même et de ses occupations. Dorénavant, elle veut se sentir vivre. Les tâches quotidiennes apparaissent à ses yeux comme terriblement mécaniques, même l'éducation de son fils n'est qu'une succession de gestes appris par cœur.
Haruki Murakami décrit ce changement radical avec justesse nous donnant l'impression qu'il va de soi comme une conséquence naturelle. La narratrice découvre un nouvel espace de vie qui lui était jusqu'alors inconnu. Elle se met à vivre à l'envers. La nuit, il lui arrive de prendre sa voiture et de faire une balade sur les quais ou en ville mais elle n'est pas à sa place et des regards inquiets la conseillent : "Il vaut mieux ne pas traîner ici la nuit si vous n'avez rien de particulier à y faire, madame." Elle vit désormais entre deux espaces, elle a quitté la place qui lui était assigné.
Quand la narratrice se dit que "Quelque chose ne tourne pas rond" on ne peut s'empêcher de reconnaître un sentiment propre au rêve : la prise de conscience dans le sommeil qui précède souvent le réveil. Cette femme ne serait-elle pas finalement en train de... dormir?
Encore une fois, Haruki Murakami signe un texte plein d’ambiguïté et de poésie qui transportera le lecteur comme un rêve éveillé.

Vous aimerez peut-être aussi :
  • Anna Karénine de Tolstoï
  • Crime et Châtiment de Dostoïevski
Du même auteur :

7 commentaires:

  1. Je ne connais pas l'auteur, je veux dire que je n'ai encore rien lu de lui. Ce récit semble prodiguer un questionnement, des remises en question d'états de vie. Expériences que l'on vit aux charnières de nos existences et quand à 30 ou 50 ans on ne comprend plus nos actions quotidiennes et que l'on a besoin de la nuit ou de la dépression pour retrouver un chemin.. oui, oui, j'ai envie de le lire, Merci Joyce

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  2. Je lis tellement de bien sur cet auteur sur la blogo que j'ai acheté Kafka sur le rivage. J'ai vu que tu l'as commenté, mais je me préserve des critiques avant de l'entamer. En tout cas, ton billet sur Sommeil ne fait que confirmer mon envie de découvrir cet auteur !

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  3. Je comptais le lire et tu m'as donné encore plus envie de me le procurer ! Merci !

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  4. J'ai découvert Haruki Murakami avec La Ballade de l'impossible qui a été un véritable coup de cœur. Je pense bien me pencher sur ses œuvres, et je note ce titre que tu as extrêmement bien commenté !

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  5. Anonyme, le même que le 31 août. Je l'ai lu, en octobre, sur la plage quand on sait que la saison est finie.
    Ce livre: c'est pareil on sent que quelque chose est fini, que l'on se dirige sans possibilité de retour vers autre chose. Ce sont de petites touches, de petites décisions (re-manger du chocolat). On vit ce changement avec l'héroïne, est ce une fin? Ce peut être un renouveau aussi car sa vie quotidienne était une fin cyclique, répétée chaque jour à l'infini.
    Personnellement je penche pour le renouveau car il n'y a pas de fin à la fin.

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  6. Je n'ai jamais lu de livres de Haruki Murakami et j'avais mis ce livre dans ma wishlist pour le découvrir.Ton avis m'a conforté dans mon choix,je sens que je vais beaucoup apprécié ce livre!^^

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  7. On me fait souvent l'éloge de ce romancier, je prends note..

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