vendredi 2 mars 2012

Naissance d'un pont de Maylis de Kerangal

Critique de Naissance d'un pont de Maylis de Kerangal


Résumé :
Quatrième de couverture : "A l'aube du second jour, quand soudain les buildings de Coca montent, perpendiculaires à la surface du fleuve, c'est un autre homme qui sort des bois, c'est un homme hors de lui. Le soleil se lève, il ricoche contre les façades de verre et d'acier, irise les nappes d'hydro-carbures moirées arc-en-ciel qui auréolent les eaux, et les plaques de métal taillées en triangle qui festonnent le bordé de la pirogue, dessinant une mâchoire ouverte, rutilent dans la lumière."
Ce livre part d'une ambition à la fois simple et folle : raconter la construction d'un pont suspendu quelque part dans une Californie imaginaire à partir de destins croisés d'une dizaine d'hommes et de femmes. Un roman-fleuve qui brasse des sensations et des rêves, des paysages et des machines, des plans de carrière et des classes sociales, des corps de métier et des corps tout court.
Le maire de Coca, une ville en expansion, décide de débuter le chantier d'un pont monumental qui devrait faciliter et encourager l'accès à la ville. Débute alors une série de recrutements, de planifications et de réunions pour organiser la construction. De l'ouvrier au cadre du pont, tout le monde a une place définie dans l'organisation millimétrée. Mais peu à peu, des relations se nouent, des problèmes apparaissent et finalement c'est la vie qui poursuit son cours ici comme ailleurs.

Mon avis :
Un petit moment déjà que j'ai ce texte en ligne de mire, et avec l'édition en poche : plus aucune excuse! Je me suis donc plongée dans le livre qui m'avait déjà intriguée par l'idée très intéressante de décrire la construction d'un pont. Finalement ce pont s'avère être d'avantage qu'une construction suspendue, c'est aussi une allégorie puissante des relations humaines. Malgré toutes les différences, malgré le poids des milieux sociaux et des clivages de genre, le pont rassemble les hommes. Il est façonné d'un tissu de liens qui se créent de mains en mains. Le pont possède donc une double réalité : matérielle et métaphorique. Ces deux natures s'entremêlent au fil du récit et se nourrissent l'une de l'autre pour mettre finalement sous les yeux du lecteur une image ambivalente toute en fines nuances.
Les phrases sont parfois longues et détaillés comme des pièces ciselées, de véritables clefs de voute qui cimentent l'ensemble. Finalement c'est toute une petite société que l'on voit évoluer au gré des points de vue variés des personnages. La multiplicité des narrateurs permet également de saisir la complexité fondamentale qui caractérise les relations. De plus ces hommes et ces femmes que l'on voit évoluer dans le récit, deviennent des types humains pratiquement universalisables : cette mère de famille, débordée par sa vie qui lui va si mal, cet homme étouffé par sa solitude autant de caractères vraisemblables qui tendent à s'ancrer aussi dans  notre présent à nous. De même cette construction du pont s'établit de façon très stéréotypées : certaines populations locales sont menacées par ce chantier qui empiète un peu trop sur leur vie quotidienne, la mise en œuvre du travail de création de la structure dérange le passage d'oiseaux migrateurs, un sabotage, tous ces problèmes sont des passages obligés pour toute construction ou presque du moins dans les représentations du lecteur. Ainsi si ce pont est imaginaire, ça ne signifie définitivement pas qu'il n'existe pas mais au contraire qu'il existe un peu partout.
Le livre nous présente une mosaïque de caractères et de sentiments, l'amour et la haine s'affrontent en duel et les personnages passent successivement d'un caractère à un autre : la résignation laisse place à la révolte ou parfois le contraire. Et c'est cette richesse qui contribue entre autre à rendre le récit vivant et plus vrai encore que le plus banal des quotidiens. Le lecteur peut ainsi s'inviter dans l'intimité des personnages, décrypter leurs aspirations et leurs peurs pour tenter à chaque page davantage, de s'identifier pareillement à chacun d'eux.
Peut-être que dans l'idéal, ce livre nous enseigne un peu qu'il est possible de construire ensemble, de transformer un paquet de destins différents et contradictoires en une grande aventure humaine. Je trouve que l'idée du pont a été très bien exploitée et si j'espérais beaucoup de ce livre, il a su être à la hauteur de mes attentes. Plus récemment, Maylis de Kerangal a publié Tangente vers l'est qui s'attarde sur la voie ferrée du Transsibérien mais cette fois-ci ce n'est pas sa construction (quoique très romanesque) qu'elle explore mais plutôt la rencontre de deux personnages incroyablement seuls : un autre sujet qui devrait également m'intéresser!

Du même auteur :
  • Tangente vers l'est
  • Ni fleurs ni couronnes
  • Je marche sous un ciel de traîne
  • La vie voyageuse
Vous aimerez peut-être aussi :
  • Germinal d'Emile Zola
  • Le Quai de Wigan de George Orwell

Merci aux éditions Gallimard et leur collection Folio pour ce partenariat. Merci également au site internet Livraddict pour avoir assuré son organisation.

5 commentaires:

  1. Ton analyse des personnages dans ce roman me semble très juste et justement, je crois que c'est cela qui a fait que ce roman ne m'ait pas autant touché que toi. Ils touchent peut-être trop à l'universalité.
    Je ne m'interdis pourtant pas de lire son roman Tangente vers l'est, qui me semble très intéressant.

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  2. L'auteur analyse très finement les latinos humaines et le style est incomparable. Un auteur que je vais suivre

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  3. Yep, tu as été tagué => http://lantreduconteur.blogspot.com/2012/03/taggle-jtes-taguay.html

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  4. J'ai bien apprécié, tant pour la plume de l'auteur que pour l'originalité du récit...

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  5. Intéressant, je le note dans ma wishlist.

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