Résumé :
Quatrième de couverture : Une épopée vaste et multiple, un mythe haut en couleurs plein de rêve et de réel. Histoire à la fois minutieuse et délirante, d'une dynastie : la fondation, par l'ancêtre d'un village sud-américain isolé du reste du monde ; les grandes heures marquées par la magie et l'alchimie ; la décadence ; le déluge et la mort des animaux. Ce roman proliférant, merveilleux et doré comme une enluminure, est à sa façon un Quichotte sud-américain : même sens de la parodie, même rage d'écrire, même fête cyclique des orages et des mots.
José Arcadio Buendia et Ursula Iguarán sont cousins germains mais s'engagent pourtant dans une liaison incestueuse. Une menace évidente de consanguinité pèse sur cette union qui répond à celle de la tante d'Ursula mariée à l'oncle de José Arcadio. En effet, cette alliance première avait engendré un enfant à queue de cochon. Ursula vit alors dans la crainte de donner naissance à une créature similaire et refuse de se donner à son mari José Arcadio qui doit essuyer les propos dégradants d'impuissance qui circulent dans le village de Riohacha à son sujet. À l'occasion d'un combat de coqs, un homme - Prudencio Aguilar - mentionne la rumeur en face de José Arcadio qui décide de le provoquer en duel et le tue. Le couple décide alors de fuir Riohacha avec certains villageois et ils fondent finalement le village de Macondo. Débute alors une large fresque familiale et humaine racontant le quotidien d'une lignée condamnée à cent ans de solitude.
On m'avait beaucoup parlé de cet auteur colombien, prix Nobel de littérature en 1982. J'avais donc très envie de le découvrir d'autant plus que mes références sont très faibles en ce qui concerne la littérature sud américaine.
Depuis la fondation de Macondo par les Buendia jusqu'à l'abandon du village et l'extinction de la lignée, on a une fresque familiale qui rappelle l'histoire de l'humanité avec Adam et Ève bannis de l'Eden suite au péché originel. En effet, après la liaison incestueuse de José Arcadio Buendia et d'Ursula, la lignée est condamnée à cent ans de solitude bien loin de l'âge d'or perdu qui fait clairement référence au mythe des origines. Cette construction donne à cet ouvrage une richesse et une densité incroyables qui évoquent des mythes et des contes comme les Mille et Une Nuits.
Cette fresque est également empreinte d'un réalisme magique très spécial et coloré : les gitans qui amènent des objets fantastiques, les arabes qui utilisent des tapis volants avec leurs perroquets, la prophétie du vieux gitan Melquiades, l'élévation de Remedios-la-belle, la lévitation de l'homme d'église lorsqu'il déguste une tasse de chocolat chaud, les morts qui reviennent parler aux vivants... Autant d'éléments qui s'ancrent dans une réalité imaginée et magique. C'est à partir de ces faits que se façonne une mythologie toute particulière à Macondo. Malheureusement, au fil des générations, cette magie propre au village s'efface jusqu'à disparaître totalement. C'est une nouvelle perte de l'âge d'or qui conduit les derniers représentants des Buendia à se demander si cette magie n'est pas un mythe, des fables racontées par leur parents pour tenter de réenchanter le présent.
Comme dans l'évolution d'une dynastie, certains caractères meurent, d'autres apparaissent dans un renouvellement constant qui apparaît comme un cycle qui se répète. Ursula par exemple est un personnage qui traverse le récit et reste présent pratiquement du début à la fin. Ainsi qu'une figure tutélaire du récit, elle passe successivement par le stade de jeune femme, de mère, de grand-mère et d'ancêtre. Elle subit également la cécité et la folie dans le cadre d'une dégradation progressive. Certains noms sont donnés de génération en génération comme Aureliano, José Arcadio pour les hommes ou encore Remedios et Amaranta pour les femmes. La plupart du temps - et c'est particulièrement vrai pour les hommes - ces noms portent en eux certains traits physiques et psychologiques qui réapparaissent donc périodiquement au sein de la famille grâce à cette transmission. Il s'agit véritablement de faire renaître l'ancêtre dans sa descendance.
On trouve relativement peu de personnages qui ne font pas partie de la famille des Buendia. Certains de ces personnages extérieurs à la lignée et donc secondaires sont intégrés aux Buendia par le mariage ou l'adoption et deviennent alors des figures importantes. C'est le cas par exemple pour Pietro Crespi ou encore Rebecca et Remedios. Les maîtresses également sont tacitement admises au sein de la lignée, en effet, Pilar Ternera et Petra Cotes sont deux caractères importants qui traversent le texte. Les personnages qui restent en marge de la famille demeurent généralement secondaires à part naturellement le vieux gitan Melquiades qui apparaît comme un devin mystique tenant dans ses mains le destin des Buendia. La jeune Remedios, foudroyée par la vie, entre dans la famille grâce à un mariage précoce, c'est un modèle d'intégration au sein de la lignée étant donné que son nom sera donné ensuite à la génération suivante avec la magnifique Remedios-la-belle ce personnage étrange et distancié qui aura d'ailleurs l'étrange destin de s'élever au ciel comme une figure d'engeance divine. La transmission d'un nom inscrit systématiquement l'histoire personnelle de son porteur originel dans la mythologie de Macondo et des Buendia.
J'ai trouvé que ce texte était très riche en références littéraires. On trouve Rabelais avec les énormes buffets qui ne vont pas sans rappeler les géants Gargantua et Pantagruel. L'auteur utilise également le carnavalesque théorisé par Mikhaïl Bakhtine dans l'Œuvre de François Rabelais grâce notamment aux notions d'inversion ou de haut et bas corporel. Certains personnages tendent également à amasser une connaissance encyclopédique qui s'ancre directement dans le désir humaniste de connaître le monde et de se connaître soi-même. Mais n'y a-t-il pas là également l'expression de l'une des trois tentations bibliques parmi lesquelles on trouve libido sciendi, (soif de connaître) libido sentiendi (soif des plaisirs de la chair) et libido dominandi (soif de pouvoir) ? Le désir de connaître relayé par des péchés comme la vanité, l'orgueil et la curiosité est une des concupiscences qui trouve ici une puissante illustration. Libido sentiendi et libido dominandi trouvent aussi périodiquement leur expression au cours du récit. La Bible est donc également l'une des influences Gabriel García Márquez lorsqu'il rédige Cent ans de solitude. La construction même du Livre Saint et reprise avec la Genèse et l'Exode dans l'Ancien Testament ainsi que l'Apocalypse dans le Nouveau Testament. On trouve aussi dans cet ouvrage la couleur des Mille et Une Nuits avec ces contes fabuleux et fantastiques.
Comme le souligne Albert Bensoussan dans une introduction à l'ouvrage, Gabriel García Márquez écrit aussi sur la réalité du monde latino-américain. En effet, lors de la fondation du village, les hommes trouvent un vieux bateau et une armure abandonnée à la rouille qui sont autant de références aux premiers conquérants. Il y a de même la compagnie bananière symbole du capitalisme qui engendre les grèves et la lutte sociale qui demeurent des réalités sud américaines. Plus généralement s'exprime aussi à Macondo le rapport conflictuel entre les conservateurs et les libéraux. Cent ans de solitude est donc un livre dense qui autorise plusieurs lectures qui contribuent à sa richesse intrinsèque.
Nous sommes donc face à un ouvrage éminemment fort et poétique fait d'histoires et de légendes qui viennent finalement construire un mythe. J'ai été très troublée et touchée par les dernières pages de l'ouvrage qui opèrent une montée en tension fascinante et accélèrent le récit jusqu'à sa chute finale. Et comme l'affirme Albert Bensoussan dans sa présentation à l'ouvrage : "l'espace se transforme en temps éternellement recommencé et qui se referme sur un siècle de solitude". Et c'est d'ailleurs ce que nous dit l'implacable dernière phrase du roman qui offre au lecteur une vérité insondable : "aux lignées condamnées à cent ans de solitude, il n'était pas donné sur terre de seconde chance."
Du même auteur :
- Chronique d'une mort annoncée
- L'Amour au temps du choléra
- Douze contes vagabonds
- Pantagruel de Rabelais
- Les Mille et Une Nuits
- L'Odyssée d'Homère
Un avis riche et complet pour cette belle oeuvre, la fin t'a touchée, as-tu apprécié le reste de l'histoire ou as-tu trouvé quelques longueurs car pour ma part je m'embrouillais parfois à cause des prénoms similaires.
RépondreSupprimerNon non je ne me suis pas embrouillée, certes le livre demande une lecture attentive mais j'ai l'habitude de lire de textes parfois exigeants. Je n'ai pas non plus trouvé de longueurs, comme je l'ai dit, j'ai adoré ce texte sans réserves.
RépondreSupprimerTu me donnes envie de retourner vers cet auteur que j'ai écarté depuis bien des années... La remarque de Walpurgis sur les prénoms m'effraie un peu mais il me sera toujours possible de prendre des notes.
RépondreSupprimerLes prénoms je m'y suis faite, comme je l'ai dit à Walpurgis, il faut faire une lecture attentive et on s'en sort ^^ En tout cas cette oeuvre m'a donné envie de découvrir plus amplement cet auteur!
Supprimerje viens de finir ma premiere lecture, je suis encore boulversé; c vrmt ENORME ce roman, une EPOPEE qui resume notre histoire humaine. merci GARCIA MARQUEZ
RépondreSupprimerWahou, quel avis enthousiaste et totalement opposé au mien! Quand je lis cela, je me dis que je suis passée à côté de quelque chose et en même temps, je crois bien que je n'aurais jamais le courage de le relire pour vérifier si je me trompe ou non...En tout cas, c'est super quand un partenariat permet une aussi jolie découverte!
RépondreSupprimerPour ma part je trouve ce roman très surfait et peu brillant, certes bien écrit et témoignant d'une belle puissance narrative chez son auteur, mais totalement creux.
RépondreSupprimerGabriel Garcia Marquez a une imagination foisonnante, mais quel intérêt ? Où est le génie ? Le livre ne présente aucune structure construite, il n'y aucun fil conducteur, aucune analyse psychologique, nous sommes en présence de faits imaginaires relatés avec une densité décourageante, qui plus est sans beaucoup d'humour ni beaucoup d'esprit...
D'ailleurs Marquez a dit lui-même ne pas comprendre le succès de ce livre en particulier : "La plupart des critiques ne réalisent pas qu'un roman comme Cent ans de solitude est un peu une blague". Certains livres sont hissés au panthéon de la littérature mondiale et parfois cela reste énigmatique, voire injustifié. Non, non, je ne trouve pas ce livre brillant, ou alors simplement par la poudre qu'il veut nous jeter aux yeux...
Préférez l'œuvre de Tolstoï qui, elle, relève véritablement du génie !!!
Je trouve hasardeux de qualifier le génie par rapport à des éléments aussi contraires à lui qu'une "structure construite", un "fil conducteur", des "analyses psychologiques"... Tout cela relève du "goût" et n'a rien à faire avec le génie. Le propre du génie - me semble-t-il - est de surgir en surprenant tout le monde (y compris le génie créateur lui-même). L'idée de foisonnement et de puissance narrative que tu mobilises sont au contraire posés généralement comme des invariants définitoires du génie (Homère, Shakespeare, Montaigne, Pascal...). Quant à l'œuvre de Tolstoï, je te rejoins sur son importance, mais je ne vois pas l'intérêt de le mobiliser ici. Il ne me semble pas que sa démarche soit immédiatement apparentée à celle de Gabriel Garcia Marquez, ni en visée, ni en nature. Pour finir, la qualité de "blague" que l'auteur prête à son roman n'enlève rien à la force de ce dernier. Le Quichotte de Cervantès, LE ROMAN par excellence, n'est-il autre chose qu'une blague?
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