Quatrième de couverture : "La Route de Los Angeles, premier roman de John Fante, a été écrit en 1933 mais publié après sa mort, en 1986. Il y raconte la bourlingue américaine classique : recherche de petits boulots, vie de bagarres et de vols, personnages gueulards rencontrés sur les quais ; ajoutez une forme d'humour sauvage, cinglant et de plein air. John Fante, avant les beatniks, a raconté l'aventure des laissés-pour-comte, des ivrognes. La Route de Los Angeles, c'est déjà le bréviaire d'une Amérique vulgaire et mal élevée." Jacques-Pierre Amette, Le Point.
La Route de Los Angeles nous propose de suivre quelques temps les pérégrinations d'Arturo Bandini un personnage récurrent dans l’œuvre de John Fante. Cet adolescent que l'on retrouvera plus âgé dans Demande à la poussière est un caractère à large part autobiographique.
Arturo Bandini entre à peine dans l'âge adulte, plein d'orgueil et de vanité il lit Nietzsche, Schopenhauer et clame sous tous les toits qu'il est écrivain. De petits boulots en petits boulots, de la bibliothèque au parc : il erre sans but. Il n'aime pas ses collègues de la conserverie, il n'aime pas les patrons, il n'aime pas sa sœur. Bandini se place tout entier en opposition avec son univers qu'il s'apprête à quitter.
Ce livre se lit finalement comme une véritable introduction au départ.
J'avais beaucoup aimé Demande à la poussière du même auteur et étant une grande lectrice de récits de route, je ne pouvais m'empêcher de remarquer cet autre titre. Cependant je me suis rendue compte que La Route de Los Angeles n'est pas vraiment à considérer en tant que tel. En effet, le livre s'envisage davantage comme un roman d'avant la route. Les aventures du narrateur préparent son expérience du voyage, elles le conduiront jusqu'à celle-ci. Malgré ce décalage par rapport à mes attentes je n'ai absolument pas été déçue. Le récit est assez riche et intrigant.
Arturo Bandini est un personnage très spécial. Le lecteur ne peut s'empêcher de le trouver ridicule tellement son ego l'étouffe. C'est un exemple parfait de ce qu'on appelle un anti-héros. Il n'a pas encore la vingtaine et joue les pédants, il étale sa culture fraîche à tout va et méprise autrui. On ne peut pas s'empêcher de le considérer comme un raté potentiel malgré le fait qu'il puisse parfois faire preuve d'une étonnante capacité de discernement.
Il tient en très haute estime les personnes cultivées et passe de nombreuses heures sur des ouvrages austères pour tenter de faire partie, lui aussi, de cette catégorie de la population. Ceux qui n'ont pas lu Nietzsche ne sont que des illettrés sans avenir et il leur voue chaque jour un mépris ouvert. La culture est tout simplement pour lui un facteur d’élévation, de domination.
On peut entrevoir ici un certain malaise. Le narrateur effectue des petits travaux ici ou là, quelques fonctions sans avenir et autres emplois crasseux réservés aux méprisés et aux sans grades. Entre le travail à la chaîne et la conserverie de poisson, il n'y pas de place pour un brillant avenir d'écrivain. Ainsi Arturo Bandini s'efforce de sortir la tête de ce marasme et pour cela il se réfugie dans les livres et s'invente une vie meilleure, loin des petites rues et des odeurs désagréables.
D'ailleurs notre narrateur vit dans un rêve. Le mensonge est devenu, dans son schéma quotidien, une ligne de vie. Il s'invente un statut, une œuvre et des admirateurs. Il n'a de cesse de se cacher derrière une identité factice et cette situation semble inextricable jusqu'au jour où il ne peut plus regarder dans cette direction et décide d'essayer de transformer ses rêves en projets. Cet adolescent parfois stupide n'est donc en réalité, qu'un caractère qui se cherche et se désire.
La Route de Los Angeles raconte ce premier pas vers la réalisation de soi, vers la vie. D'ailleurs, lorsque Arturo Bandini envisage l'écriture de son premier livre on remarque une mise en abyme assez pertinente puisque l'auteur, John Fante, met finalement en scène dans son premier roman, l'écriture de son premier roman. C'est un processus intéressant qui nous amène à nous questionner sur le chemin vers l'écriture et le statut d'écrivain.
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- Bandini
J'adore John Fante! De lui, j'ai adoré "un chien stupide". Vraiment décapant! Je te le conseille si tu ne l'as pas encore lu.
RépondreSupprimerAntoine Des Vaisons