samedi 17 décembre 2011

Amphitryon de Plaute

Critique de l'Amphitryon de Plaute

Résumé :
Quatrième de couverture : Pour faire triompher son bon plaisir, Jupiter descend sur terre et séduit Alcmène, la femme d'Amphitryon dont il a pris les traits. L'époux se retrouve trompé, l'épouse outragée et le serviteur de la maison molesté. Quand les dieux ont décidé de se jouer des hommes, ils nous convient à une bien étrange comédie...
Jupiter et Mercure se rendent parmi les mortels sous l'apparence d'Amphitryon et de Sosie son esclave. Alors que Jupiter travesti profite d'une nuit d'amour avec Alcmène, la femme fidèle et aimante d'Amphitryon, les deux personnages usurpés sont pris dans un enchaînement de faits qui les dépassent. Le mythe de la naissance d'Hercule est ainsi traité de façon comique, ce qui n'empêche pas d'identifier au cours de la pièce certaines thématiques propres au tragique.

Mon avis :
Si la plupart des pièces comiques de Plaute reprennent des thèmes propres à la Comédie Nouvelle de Grèce (un amour contrarié entre deux jeunes gens, les malices d'un esclave rusé, un vieil homme riche et aigri qui s'oppose à cet amour... etc.) Amphitryon présente un autre visage. Ici il est question du mythe de la naissance d'Hercule et les petites affaires des mortels laissent place aux personnages divins. Le jeu de travestissement permet la mise en place de quiproquos qui participent à la création du comique. Notons que la pièce comprend une importante lacune : le passage charnière de la rencontre entre Jupiter et Amphitryon a été perdu mais certains éléments laissent à penser qu'il s'agissait d'une scène de bagarre.
Un élément m'a surprise de prime abord, c'est le fait que les personnages notamment Mercure dans le prologue, ne cessent de rompre l'illusion dramatique. Ce procédé est reproduit à un point tel qu'on en vient à se demander s'il est justifié de parler ici d'illusion dramatique. Les acteurs font régulièrement référence au fait qu'ils ne sont que des acteurs d'où la création d'un rôle d'acteur imaginé par le dramaturge en plus du rôle de personnage. C'est-à-dire que l'acteur devait non seulement jouer son personnage, mais également l'acteur qui joue le personnage tel que l'a imaginé Plaute. Cette manoeuvre introduit finalement une mise en abyme intéressante de la pièce. Les identités empruntées contribuent également à rendre cet effet de multiplicité des rôles. Si on prend en compte la donnée historique qui stipule qu'une troupe de théâtre se composait à l'époque d'environ trois acteurs il est aisé d'imaginer qu'un même acteur pouvait prendre en charge deux rôles différents ce qui rajoute encore aux difficultés d'interprétation.
Le comique est omniprésent dans cette pièce. Il se manifeste beaucoup dans les situations et on peut noter le fait que la dimension comique de l’œuvre ne repose pas uniquement sur les personnages d'esclaves qui pourtant véhiculent traditionnellement le rire. Plaute s'attache également à détourner les codes préétablis du genre, c'est particulièrement net avec la scène de seruus currens, l'esclave qui court (Acte III, scène 4 - il convient de préciser qu'à l'époque de la rédaction de la pièce, le découpage en actes n'existait pas, il s'agit d'un ajout plus tardif). La scène du seruus currens est une scène typique de la Comédie Nouvelle, elle présente souvent un esclave qui entre sur scène en courant pour annoncer une nouvelle souvent mauvaise à son maître mais pour des raisons variées l'annonce de la nouvelle va être retardée. C'est un moment souvent attendu du public qui fait progresser l'action et amène un comique de situation. Ici Plaute détourne les codes car c'est Mercure - un dieu - qui arrive en courant. De plus cette scène n'a pas de réelle fonction dans l'intrigue, elle ne fait pas avancer l'action et présente uniquement un jeu sur les conventions ce qui permet une nouvelle fois au dramaturge de rompre l'illusion comique. Ce comique presque gratuit vient donc réaffirmer l'appartenance de la pièce à ce registre car en effet, elle présente aussi des éléments tragiques notables.
En effet, entre deux bastonnades, les personnages développent parfois des thèmes philosophiques qui appartiennent davantage à la sphère du tragique. Par exemple, Sosie confronté à Mercure qui a prit son apparence dans l'Acte I, scène 1, entame un questionnement philosophique sur le témoignage des sens. Cela fait référence à un débat qui eut lieu entre les épicuriens, les stoïciens et les néo-académiciens concernant les représentations des sens et le crédit qu'on peut leur accorder. Plaute explore également cette problématique dans Les Ménechmes. Ce débat concernant les apparences, les jumeaux, le changement d'identité nous amène à opérer un retour sur la condition d'acteur : le pouvoir de changer d'apparence et d'identité n'est-ce pas ce qui caractérise l'acteur? Peut-être peut-on également voir ici un autre exemple de remise en cause de l'illusion dramatique. Concernant l'irruption du tragique dans l’œuvre on peut également penser au personnage d'Alcmène, la femme d'Amphitryon qui après le départ de Jupiter suite à leur nuit d'amour, se plaint de l'absence de son mari qu'elle aime. Cette plainte confère au personnage une majesté propre au tragique d'autant plus que ce passage est hautement pathétique. D'ordinaire le personnage de l'épouse dans ce type de comédies est davantage représenté sous les traits d'une femme laide et tyrannique au sein de son foyer, dans cette pièce Plaute ne reproduit pas du tout ce schéma stéréotypé et Alcmène énumère même à l'Acte II, scène 2 les qualités nécessaires à une bonne épouse romaine.
La pièce combine donc à  la fois des éléments tragiques et comiques. Le personnage de Mercure qui intervient dans le prologue présente la pièce comme étant une tragi-comédie comme en témoigne cet extrait du prologue : "Je ferai que ce soit une pièce mêlée, une tragi-comédie. Transformer d'un bout à l'autre en comédie une pièce où paraissent des dieux et des rois, j'estime que cela n'est pas convenable. Alors? Puisque ici aussi un esclave tient un rôle, je ferai en sorte, comme je l'ai dit que ce soit une tragi-comédie". Cela explique peut-être que cette pièce atypique de Plaute qui met en scène des dieux et des esclaves ensemble combine des éléments propres aux deux genres. J'ai beaucoup apprécié ce mélange intéressant qui nous invite bien souvent à une double lecture du texte.
On peut se demander si le thème de la naissance d'Hercule qui sera donc enfanté par Alcmène de la semence de Jupiter a déjà été traité dans un registre uniquement tragique. Il se trouve que certaines représentations de pièces sur des vases dits "phlyaques" tendent à le prouver. Peut-être Plaute se serait-il inspiré également de versions tragiques du mythe pour créer la sienne. Notons pour terminer que Molière au XVIIème siècle a réalisé une version comique du mythe, largement inspirée de la pièce de Plaute, également intitulée Amphitryon.

Du même auteur :
  • Les Ménechmes
  • Charançon
  • La comédie des ânes
Vous aimerez peut-être aussi :
  • Hercule Furieux de Sénèque
  • Amphitryon de Molière

3 commentaires:

  1. J'aurais dut lire ta critique avec l'examen...
    En tout cas je n'ai pas trop aimé les extraits du coup je me tâte un peu pour le lire en entier.

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  2. Arg! Mais t'as pas lu l’œuvre???? Comment dire.. C'était un peu le but du cours et l'élément indispensable pour réussir l'examen! Surtout LIS le texte avant ta deuxième évaluation!
    En plus tu verras c'est très court!

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  3. Ben j'en ai lu 1/4 plus les extraits. J'ai vraiment eu du mal et je sais j'aurais du le lire... J'ai déconné un max le semestre dernier.

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