Quatrième de couverture : Héritiers d'un effrayant geste collectif qui, trente ans plus tôt, a marqué leurs destins du sceau de la désespérance, quatre hommes liés par le souvenir d'un sacrilège traversent la Méditerranée pour connaître, sous le ciel algérien, l'ultime épisode de leur désastre. Sur un motif de tragédie antique, de crimes réitérés et d'impossible expiation, Kaoutar Harchi retrace, de la nuit d'une prison française à la quête des origines sous les cieux de l'Algérie, la fable d'une humanité condamnée à s'entre déchirer dès lors que ceux qui la composent, interdits de parole ou ligotés par le refoulement de leur mémoire, s'avèrent incapables d'exorciser les démons qui gouvernent leur chair animale.
Arezki, Si Larbi, Ryeb, Riddah, quatre hommes, quatre focales à partir desquelles se développe le roman. Ils se cherchent, se reconnaissent, se rencontrent à nouveau sans jamais dévoiler ouvertement la nature intime de leur lien. Le lecteur est invité à comprendre, dans le creux des dialogues et dans des échanges faits surtout de silences, la clef de cette fraternité problématique. Leur drame se déroule entre la France et l'Algérie, plus que des cadres ces lieux sont des patries, des parents qui marquent leurs enfants de leurs propres histoires et imaginaires qu'ils soient imposés ou refoulés. La Méditerranée ne les sépare pas, elle les lie : tantôt appel à l'ailleurs, tantôt gouffre où s'abîmer la seule véritable alternative est la traversée pour partir à la source, pour chercher l'origine. Ces quatre voix sont comme les angles d'un carré dont le lecteur est appelé à trouver le centre. C'est donc une autre voix qu'il nous faudra entendre, mais parle-t-elle le même langage?
Le roman s'ouvre avec la voix d'Arezki. Le récit semble débuter sans préambule pour autant le personnage s'attache à livrer un portrait détaillé de lui-même, le regard est curieusement extérieur, comme s'il se voyait comme un objet à analyser pour un regard scientifique. Ce portrait préalable permet de poser méthodiquement chaque aspect du "saccage". La mère : "Je pense peu à mon géniteur, seule ma génitrice m'obsède. Je suis en quête perpétuelle du ventre qui m'a porté et nourri, d'où j'ai froidement été expulsé". L'identité : "Mon nom est Arezki et, d'ordinaire, on ne m'appelle pas". L'impossibilité de s'illustrer en tant qu'homme : "A Paris, le travail n'existe plus. Nostalgique, je continue de fréquenter les usines et traîne sur les grands boulevards". L'autre sexe : "Les femmes me sont inconnues. D'elles je ne sais que les formes animales et pornographiques". Le lecteur semble face à un catalogue de névroses introduites en un seul corps. L'identité d'Arezki siège dans la somme de ses échecs à devenir lui-même, comme une existence en négatif. Le premier acte est posé. Sera-t-il celui d'une tragédie grecque? Le roman s'ouvre aussi sur un viol décrit dans toute sa crudité par une voix froide et décalée qui est celle d'un enfant ou d'un monstre.
Malgré une langue souvent très fine qui traduit bien la complexité d'un regard, je pense notamment à la description de Si Larbi qui bien que très réaliste semble pouvoir constituer une allégorie : "De sa carcasse hagarde, seuls ses yeux sont demeurés vifs. Si Larbi, continuellement affalé, rêve d'un ailleurs folklorique béni d'insouciance, bordé par une mer bleue tranquille" ; il manque un ciel sur tout cela. Le tableau dressé est celui d'une humanité impossible, tout est entièrement glauque et noir. Le jeu d'une énigme cachée derrière la pesanteur d'un quotidien insensé est également inégalement mené. Certaines phrases sont trop explicites et laissent peu de place au doute : "Cause abandonnée au bon vouloir des mystères mutiques, je dérive le long des impostures, épuisé, car tous les ports d’accueil ont disparu: j'ignore d'où je viens". Ainsi, on a parfois l'impression d'être un étudiant en psychanalyse invité à se pencher sur un cas facile pour parfaire sa pratique et son expérience.
Je n'ai pas croisé une seule envolée dans ce texte. Je pense que la littérature doit pouvoir donner un message, inviter à quelque chose. J'ai été surprise par ce texte et je ne suis pas parvenue à le comprendre - je ne suis pas parvenue à le faire mien. Globalement, ce roman se construit sur des idées et un imaginaire qui ne sont pas les miens. Tout cela ne m'a pas empêché de saisir le sens et peut-être le but du texte, mais je n'adhère pas à l'esprit. D'ailleurs je ne pense pas qu'on puisse s'asseoir dans cette vision du monde, dans cette peinture de la vie. Le texte achoppe sur des questions lancinantes que j'ai personnellement résolues en tant que personne humaine. En ce qui me concerne, elles ne sont donc plus pertinentes pour moi.
Le texte se clôt avec la vocation d'écrivain d'Arezki. Une nouvelle fois le fait est présenté sous l'angle de la névrose : "Le médecin ne sait rien de ma manie de noircir. J'ignore encore comment lui demander de me procurer un cahier et des stylos sans qu'il ne me juge".
Bien que le tableau soit plus noir que nature, du texte émane tout de même une certaine vérité. J'ai apprécié rencontrer ces individualités - Arezki, Si Larbi, Ryeb, Riddah - qui sortent parfois de l'archétype, du cas d'étude ou de la caricature pour devenir, par instants, des êtres auprès desquels on peut cheminer. C'est souvent le cas lorsque les personnages sont décrits par des regards extérieurs : "Certains témoins ont juré à la famille que le jeune homme, durant de longues minutes, appuyé contre un lampadaire, avait tenu le corps de la petite contre lui, visiblement accablé". Je me suis particulièrement attachée au personnage de Nour qui, comme son nom l'indique, est la lumière du roman. C'est à travers son regard que j'aurais aimé lire l'histoire.
Cette expérience de lecture était intéressante à plusieurs titres. D'abord elle m'a permise de rencontrer des individualités perpétuellement sujets à des questionnements et à des tensions qui ne me sont pas familières. Ensuite, de cette brève incursion dans un univers qui n'est pas le mien développant des idées avec lesquelles je ne suis pas en accord, m'a invitée à affermir mes propres positions et mon regard sur la vie. Cette ambiance m'évoque, dans une certaine mesure, celle du thriller Tchao pantin d'Alain Page mais l'incroyable charge d'espoir contenue dans ce texte le démarque du roman de Kaoutar Harchi et me touche bien davantage. L'Ampleur du saccage, conformément à son titre, présente au lecteur un portrait à charge qui ne pointe pas les personnages comme des coupables mais comme des victimes parmi d'autres. On aurait tout de même souhaité entendre d'autres voix, le texte manque d'enfant, il manque de mères, il laisse peu de place à la vie.
Malgré une langue souvent très fine qui traduit bien la complexité d'un regard, je pense notamment à la description de Si Larbi qui bien que très réaliste semble pouvoir constituer une allégorie : "De sa carcasse hagarde, seuls ses yeux sont demeurés vifs. Si Larbi, continuellement affalé, rêve d'un ailleurs folklorique béni d'insouciance, bordé par une mer bleue tranquille" ; il manque un ciel sur tout cela. Le tableau dressé est celui d'une humanité impossible, tout est entièrement glauque et noir. Le jeu d'une énigme cachée derrière la pesanteur d'un quotidien insensé est également inégalement mené. Certaines phrases sont trop explicites et laissent peu de place au doute : "Cause abandonnée au bon vouloir des mystères mutiques, je dérive le long des impostures, épuisé, car tous les ports d’accueil ont disparu: j'ignore d'où je viens". Ainsi, on a parfois l'impression d'être un étudiant en psychanalyse invité à se pencher sur un cas facile pour parfaire sa pratique et son expérience.
Je n'ai pas croisé une seule envolée dans ce texte. Je pense que la littérature doit pouvoir donner un message, inviter à quelque chose. J'ai été surprise par ce texte et je ne suis pas parvenue à le comprendre - je ne suis pas parvenue à le faire mien. Globalement, ce roman se construit sur des idées et un imaginaire qui ne sont pas les miens. Tout cela ne m'a pas empêché de saisir le sens et peut-être le but du texte, mais je n'adhère pas à l'esprit. D'ailleurs je ne pense pas qu'on puisse s'asseoir dans cette vision du monde, dans cette peinture de la vie. Le texte achoppe sur des questions lancinantes que j'ai personnellement résolues en tant que personne humaine. En ce qui me concerne, elles ne sont donc plus pertinentes pour moi.
Le texte se clôt avec la vocation d'écrivain d'Arezki. Une nouvelle fois le fait est présenté sous l'angle de la névrose : "Le médecin ne sait rien de ma manie de noircir. J'ignore encore comment lui demander de me procurer un cahier et des stylos sans qu'il ne me juge".
Bien que le tableau soit plus noir que nature, du texte émane tout de même une certaine vérité. J'ai apprécié rencontrer ces individualités - Arezki, Si Larbi, Ryeb, Riddah - qui sortent parfois de l'archétype, du cas d'étude ou de la caricature pour devenir, par instants, des êtres auprès desquels on peut cheminer. C'est souvent le cas lorsque les personnages sont décrits par des regards extérieurs : "Certains témoins ont juré à la famille que le jeune homme, durant de longues minutes, appuyé contre un lampadaire, avait tenu le corps de la petite contre lui, visiblement accablé". Je me suis particulièrement attachée au personnage de Nour qui, comme son nom l'indique, est la lumière du roman. C'est à travers son regard que j'aurais aimé lire l'histoire.
Cette expérience de lecture était intéressante à plusieurs titres. D'abord elle m'a permise de rencontrer des individualités perpétuellement sujets à des questionnements et à des tensions qui ne me sont pas familières. Ensuite, de cette brève incursion dans un univers qui n'est pas le mien développant des idées avec lesquelles je ne suis pas en accord, m'a invitée à affermir mes propres positions et mon regard sur la vie. Cette ambiance m'évoque, dans une certaine mesure, celle du thriller Tchao pantin d'Alain Page mais l'incroyable charge d'espoir contenue dans ce texte le démarque du roman de Kaoutar Harchi et me touche bien davantage. L'Ampleur du saccage, conformément à son titre, présente au lecteur un portrait à charge qui ne pointe pas les personnages comme des coupables mais comme des victimes parmi d'autres. On aurait tout de même souhaité entendre d'autres voix, le texte manque d'enfant, il manque de mères, il laisse peu de place à la vie.
Du même auteur :
- A l'Origine notre père obscur
- Le Serment des barbares de Boualem Sansal
- L'arabe, comme un chant secret de Leïla Sebbar
- Tchao Pantin d'Alain Page
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