jeudi 15 mars 2012

Le Nom de la rose d'Umberto Eco

Critique du Nom de la Rose d'Umberto Eco

Résumé :
Quatrième de couverture : Rien ne va plus dans la chrétienté. Rebelles à toute autorité, des bandes d'hérétiques sillonnent les royaumes. En arrivant dans le havre de sérénité et de neutralité qu'est l'abbaye située entre Provence et Ligurie, en l'an de grâce et de disgrâce 1327, l'ex-inquisiteur Guillaume de Baskerville, accompagné de son secrétaire, se voit prié par l'abbé de découvrir qui a poussé un des moines à se fracasser les os au pied des vénérables murailles. Crime, stupre, vice, hérésie, tout va alors advenir en l'espace de sept jours.
Le Nom de la rose est d'abord un grand roman policier pour amateur de criminels hors pair qui ne se découvrent qu'à l'ultime rebondissement d'une enquête allant un train d'enfer entre humour et cruauté, malice et séductions érotiques.
XIIème siècle en Italie : les conflits religieux font rage et, alors que des chrétiens s'affrontent sur le terrain de divers débats théologiques, les hérétiques montent en puissance. Dans un tel climat de tension, des rivalités et des luttes intestines font surface. Peut-on aller jusqu'à tuer pour sauvegarder une certaine vision de la foi chrétienne? C'est ce que Guillaume de Baskerville et son jeune apprenti Adso sont sur le point de découvrir. Ils sont conviés dans une abbaye - célèbre pour abriter la plus grande bibliothèque de la chrétienté - qui souffre de l'enchaînement d'une série d'événements funestes. En effet, certains moines commencent même à parler de l’œuvre du Malin. Pourtant, il y aurait fort à parier que c'est au nom du Christ que sont commises de telles atrocités.

Mon avis :
Ce n'est pas la première fois qu'on me recommande ce livre notamment en cours, j'étais donc très curieuse de le découvrir d'autant plus qu'il s'agit d'une enquête sur des crimes. Je m'attendais tout de même à un texte demandant une lecture très exigeante et beaucoup de concentration.
Il est indéniable que ce livre soit un texte érudit voire même documentaire. Les indications historiques sont très précises et il est manifeste que l'auteur soit précisément un spécialiste de cette période. Ce livre demande donc beaucoup d'attention durant la lecture et effectivement il faut parfois s'immerger totalement dans l’œuvre pour ne pas être surpris d'y trouver des passages en latin sans traduction. J'ai la chance d'avoir étudié un peu la langue latine pour comprendre dans les grandes lignes ces insertions de texte cependant je suis certaine qu'il n'est pas nécessaire d'être familier des langues anciennes pour apprécier Le Nom de la Rose.
Nous sommes donc face à un texte exigent et érudit mais ce livre tire aussi sa force de l'enquête sur les crimes que réalise Guillaume de Baskerville, autrefois inquisiteur. En effet, cette progression de l'enquête en seulement sept jours plonge le lecteur dans cette frénésie de lecture particulière qui nous entraînent littéralement dans le texte. Une fois l'intrigue mise en place : plus aucune chance de décrocher, on évolue de crimes en crimes, d'indices en indices avec une avidité certaine tellement pressés de connaître la suite.
C'est cette alliance subtile de détails érudits sur les conflits religieux entre autre et d'intrigue criminelle qui fait l'efficacité du texte. N'importe quel lecteur, intéressé ou non par le Moyen-Âge pourra donc y trouver son compte!
Mais Umberto Eco est également un amoureux du livre et de la langue qui a consacré une partie de ses études à analyser la relation auteur/lecteur. Ainsi il nous amène judicieusement à une réflexion sur la fonction du rire et du livre. En effet, le rire peut être subversif et remettre en cause les processus de domination d'autrui car il a une portée philosophique : si on peut rire de tout, on peut donc rire de Dieu et du Diable. Comment craindre alors craindre les Enfers? C'est cette faculté libératrice du rire qui inquiète car le rire peut se faire satirique et ironique. Umberto Eco conjugue la réflexion sur le rire et l'amour du livre grâce à l'exploitation du mystère qui entoure la seconde partie de La Poétique d'Aristote. Aristote a consacré un premier livre à la tragédie dans lequel il en prévoyait un second consacré à la comédie, mais ce texte-ci ne nous est pas parvenu. Cet élément nourrit le mystère de l'enquête criminelle tout en se rattachant aux problématiques historiques. J'ai trouvé très intéressante et géniale cette idée d'utiliser le second tome de La Poétique au cœur de l'intrigue.
J'ai constaté que Le Nom de la rose a un grand cercle de farouches admirateurs dans les rangs desquels je me range mais également des lecteurs déçus qui se sont heurtés aux descriptions érudites et autres fameux passages en latin. Naturellement c'est une lecture qui demande au lecteur beaucoup d'attention mais à mon sens c'est un texte très riche, remarquablement construit et qui a su m’immerger dans une époque totalement différente de la mienne avec génie. Pour ces raisons je trouve dommage de ne pas tenter l’expérience et donc de passer à côté de quelque chose de grand. Je note à l'attention des intéressés qu'Umberto Eco vient de publier une nouvelle édition avec des corrections, des variantes et quelques suppressions notamment un allègement des citations latines comme l'indique Juliette Einhorn dans son article "Eco effeuille son Nom de la Rose" (Le Magazine Littéraire n° 516, Février 2012) : "[...] La révision du texte a été faite dans le sens d'un allègement des citations latines non traduites, qui, dans la version de 1980, pouvaient entraver la fluidité du récit." Avis donc aux lecteurs potentiellement découragés par la complexité du texte!

Du même auteur :
  • Le Pendule de Foucault
  • Le Cimetière de Prague
  • Les limites de l'interprétation
  • De la littérature
Vous aimerez peut-être aussi :
  • Pantagruel de Rabelais
  • Gargantua de Rabelais
  • La Poétique d'Aristote

10 commentaires:

  1. Je l'ai lu à 15 ans et j'avais trouvé ça vraiment génial ! J'ai beaucoup aimé le style d'Umberto Eco.

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  2. J'aimerai beaucoup tenter la lecture de ce livre :) ton avis m'a donné envie :)

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  3. Honte à moi, en tant qu'historien étant passé par une prépa lettres, j'aurai du le lire depuis longtemps (comme toi, on m'en a rabbaché les oreilles maintes fois !) et ce n'est toujours pas fait !
    Ta critique élogieuse sera peut-être la piqûre qu'il me fallait !

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  4. Ta critique est très bien écrite, et tu as tout à fait raison. Je suis justement en train de le lire, et je ne le quitte plus !! Tu as raison, une fois l'intrigue en place, on ne peut plus s'en détacher. Il y a tellement de rebondissements ! Après, effectivement, il s'agit d'un livre érudit, qui demande beaucoup de concentration, avec énormément de références historiques, littéraires et théologiques. Et perso, je saute les passages en latin parce que j'ai fait grec à l'école ^^ Mais cela n'altère en rien le plaisir de ma lecture :)

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  5. Il est dans la liste des livres à lire depuis très longtemps pour moi mais je n'ai pas encore franchi le pas... en tout cas, ta critique est vraiment bien et fouillée !

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  6. Très bonne revue ! Je l'ai lu il y a un bail, je ne m'en souviens plus en détails mais je peux parfaitement me rappeler des sensations provoquées..brr que de talent *o*

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  7. Le Nom de la Rose est un des premiers romans historiques que j'ai lu et il m'a laissé un formidable souvenir. Je l'ai lu deux fois, d'ailleurs, et les deux fois, avec la même passion.
    Comme tu le dis, c'est un texte très riche, très bien écrit. Eco a vraiment énormément de talent.

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  8. Il est sur ma table de chevet depuis un mois mais toujours pas eu le temps de le lire... mais bon dieu comme il me fait envie! Ta chronique me pousse un peu plus vers lui... :)

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  9. Tu as un avis plutôt positif, mais malgré tout, ce roman ne m'attire pas. La cause? Le film qui m'a assez traumatisé (j'ignore pourquoi!)...

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  10. Un très bon roman, bien construit, intelligent, prenant, bien écrit... quoiqu'un peu ardu quand même. Bref, une très belle lecture!

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