Résumé :
Quatrième de couverture : La seule chose qui me gênât un peu, c'était, malgré mon dégoût de la nourriture, la faim quand même. Je commençais à me sentir de nouveau un appétit scandaleux, une profonde et féroce envie de manger qui croissait et croissait sans cesse. Elle me rongeait impitoyablement la poitrine ; un travail silencieux, étrange, se faisait là-dedans. K. H.
"On tourne les feuillets de ce livre étrange. Au bout de peu de temps on a des larmes et du sang plein les doigts, plein le cœur. [...] La faim est le sujet même du livre avec tous les troubles intellectuels qu'entraîne une inanition prolongée. C'est moins un héros de roman qu'un cas clinique." André Gide.
Un homme, dont on ne connaît pas le nom, erre dans la ville le ventre vide. Voilà l'intrigue principale de ce roman spécial et dérangeant qui nous confronte directement avec le sentiment brut de la faim. L'homme est sans argent, sans travail, sans logement parfois et souvent sans nourriture pour se remplir l'estomac. Ainsi ce narrateur particulier tente de survivre par divers arrangements et essaie tant bien que mal d'oublier le tiraillement de la faim. Cette faim omniprésente fait d'ailleurs figure de personnage principal éponyme. Le narrateur semble systématiquement perdu dans ses réflexions à travers un monologue intérieur incessant qui tombe parfois dans le délire. Ce récit non dénué d'humour pose aussi la question de la frontière mince entre le moral et l'immoral. Peut-on voler quand il s'agit de notre survie? La faim justifie-t-elle la malhonnêteté? La Faim est une histoire poignante qui nous fait également prendre la mesure des conséquences d'une sous alimentation sur le corps et l'esprit.
Alors que j'étudiais Virginia Woolf, un professeur m'a suggéré de lire cet ouvrage qu'il considérait comme un bel exemple de conjugaison d'errance citadine et de monologue intérieur. Après la lecture d'Ulysse de Joyce, j'avais déjà classé avec plaisir ces thèmes parmi mes favoris. Je me suis donc rendue dans ma librairie pour me le procurer et j'ai été agréablement surprise de découvrir que mon édition contenait une préface rédigée par André Gide. C'est donc avec de grandes attentes que je me suis plongée dans "les feuillets de ce livre étrange".
Ce qui nous frappe tout d'abord c'est la condition misérable du narrateur. Il passe de taudis en taudis, se fait mettre à la porte parce qu'il ne paie pas son loyer et dors même dehors ou un prison pour ne pas souffrir du froid. La vente progressive de ses biens et la rédaction d'articles sont ses uniques sources de revenus, or l'un comme l'autre sont précaires. La création littéraire et journalistique en devenant un gagne-pain perd toute son âme jusqu'à n'avoir plus pour but que de rapporter de l'argent au détriment même de la qualité. Le narrateur est donc perpetuellement esclave de l'inspiration qui seule peut lui garantir la survie.
Le lecteur a un accès privilégié à chaque pensée de l'homme. Chaque action trouve sa justification (si extravagante soit-elle) dans la source inépuisable de propos intérieurs que se tient le narrateur. Parfois son discours est tout à fait censé, parfois encore complètement décousu et plus surprenant encore, il lui arrive de décrire en termes raisonnés des actions et des gestes totalement irraisonnés. Ceci introduit un paradoxe qui n'est pas le seul de l’œuvre. En effet, le personnage subit la faim tout comme il la désire. La faim devient sa muse, son inspiration, son combat. Ainsi, même lorsque son travail lui garanti une certaine stabilité nutritive, il offre son argent, le dépense inconsidérément comme s'il prenait plaisir à maintenir son état de jeûne. J'ai trouvé ce paradoxe très intéressant et ce me semble être précisément le "cas clinique" dont parle Gide dans sa préface. Il ne s'agit plus d'un être miséreux qui a faim mais d'un être qui cherche consciemment ou non à se maintenir dans un état de faim.
Sa folie lui fait entretenir un rapport au corps très trouble. Le narrateur nous décrit les effets de l'inanition sur son corps qui devient laid, fragile et faible. Tout le long du récit son corps est malmené : ses vêtements sont si sales qu'une plaie infectée qu'il a au ventre suinte de pus, il se fait mal à la main ou encore se fait écraser le pied par un véhicule. Au fur et à mesure que l'esprit devient fou, le corps se dégrade. Cette constatation ne va pas sans rappeler la méthode de la physiognomonie développée par certains aliénistes et que l'on retrouve par exemple dans certains textes de Balzac.
Notre personnage, bascule donc entre la folie et la raison ce qui l'amène à glisser tout naturellement sur la pente du moral et de l'immoral. Il semble avoir un grand sens de ce qui est juste et de ce qui ne l'est pas, il lui arrivera de tromper autrui mais sa raison le conduira systématiquement à essayer de réparer cette erreur parfois même au prix d'une seconde erreur. Nouveau paradoxe. De même il se refuse à mendier et préfère paraître ridicule en essayant de vendre des boutons crasseux au Mont de Piété.
La force de ce récit réside aussi dans le fait qu'il soit en partie autobiographique. L'auteur Knut Hamsun a lui-même souffert de la faim ce qui lui permet de transcrire les troubles qu'il a subit avec une justesse dérangeante. Le livre s'achève avec le départ du narrateur à bord d'un bateau vers un horizon nouveau.
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Rien que le titre est très tentant.
RépondreSupprimerTa chronique me donne assez envie, je ne connais pas du tout l'auteur en plus !
Je te le conseille de tout cœur! Il se lit très rapidement et ce n'est pas une lecture qui s'oublie!
RépondreSupprimerDans ma wish list. J'ai lu ton avis mais argh j'aurais aimé sauté les dernières lignes, même si ce n'est pas très détaillé je n'aime pas savoir les fins à l'avance ^^.
RépondreSupprimerRévéler que le narrateur se barre en bateau à la fin du récit n'est pas un spoil, tu vas trouver cette information dans n'importe quelle préface en début d'ouvrage. Il ne s'agit pas ici d'un policier ou d'un roman d'aventure ou d'amour!
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