Résumé :
Quatrième de couverture : Lorsqu'en mars 1947 Carolyn rencontre Neal Cassady, sa vie bascule. Tout comme Jack Kerouac un an plus tôt à New York, elle se laisse séduire par ce voyou au futur incertain, qui deviendra le modèle de Dean Moriarty dans Sur la route, la figure rêvée de la Beat Generation.
Le récit enlevé, teinté d'humour, dévoile le comment de cette amitié fraternelle, voire amoureuse entre Jack et Neal. "Ces hommes, révèle Carolyn, osaient vraiment vivre comme des héros." Et de constater : "A leur contact, j'ai été à mon tour mordue par cette rage, par cet appétit."
Lit à trois places, lit à quatre places (Allen Ginsberg ne tarde pas à compliquer l'équation), le désir beatnik est multiple. Et Sur ma route démontre que cet enchevêtrement des corps et cet imbroglio des sentiments furent le ferment, la sève de la création. Reflet de toute l'énergie créative et poétique du mouvement, Sur ma route est l'histoire authentique de ces icônes qui captivèrent l'imagination de la jeunesse américaine emportant le pays dans le tourbillon des années 60. La naissance d'un mythe.
Carolyn n'est qu'une jeune femme lorsqu'elle rencontre Neal Cassady. Élevée par une famille très respectueuse des principes et des vertus, elle se voit projetée dans un monde qui n'est pas le sien. Très rapidement, elle tombe amoureuse de cet homme qui semble si atypique, si plein de vie et d'énergie. Malgré leurs différences, ils se marient et à plusieurs reprises Carolyn tombe enceinte.
Carolyn Cassady est un personnage effacé de la Beat Generation en ce sens que la folie du voyage représentait pour elle un danger. Elle nous raconte sa vie commune avec Neal, ses joies et ses peines. Tout au long de sa vie, elle souffre de cette union qui tranche si brutalement avec ses principes. En effet, Neal a des relations extra-conjugales, veut se remarier, fait des enfants à d'autres femmes etc. L'auteure se sent souvent abandonnée malgré la présence d'Allen Ginsberg, d'Helen ou encore de Jack (avec qui elle aura une liaison) qui sont des amis qui la soutiennent.
Bien souvent c'est seule qu'elle sera amenée à se confronter avec la réalité. Alors que Neal est en voyage elle travaille pour payer leurs dettes, alors que Neal est en prison, elle s'occupe de leurs enfants. Sur ma route raconte la vie de cette femme depuis sa rencontre avec Neal Cassady jusqu'à la mort de celui-ci.
Fervente lectrice des auteurs de la Beat Generation, je ne pouvais pas passer à côté de ce livre qui se place en miroir du Sur la route de Jack Kerouac. En effet, la version originale s'intitulait "Off the road" c'est-à-dire littéralement "en dehors de la route" ("On" s'oppose à "Off"). Le texte s'accompagne d'une iconographie choisie qui nous place habilement dans l'univers que décrit Carolyn Cassady.
Dans cet ouvrage, les auteurs et les personnages se confondent. On parvient à saisir le Dean Moriarty de Sur la route dans son intimité. Hors du romanesque, Neal Cassady devient humain, trop humain. Ce personnage nous apparaît comme un caractère en perpétuelle recherche de lui-même et de l'autre. Il est instable, cruel, étrange. Jack Kerouac fait figure d'ami confident, d'homme timide et blessé. Il eût beaucoup de mal à faire publier ses œuvres et on entrevoit sa souffrance. Lui aussi "tombe amoureux" de Neal Cassady, il voit en lui la réincarnation de son frère, Gérard, qu'il a vu mourir alors qu'il avait quatre ans et que celui-ci n'en avait que neuf. Cette relation si particulière entre Neal et Jack s'exprimait déjà profondément dans Sur la route, ici elle s'affirme davantage et nous conforte dans l'idée que Jack, depuis sa tendre enfance, était un homme blessé. D'ailleurs, à la mort de Neal, il émet le désir d'aller le rejoindre là où il se trouve et s'enfonce inexorablement dans l'alcool. Alors que Carolyn est prévenue du décès de Neal le 4 février 1968, Jack meurt le 31 octobre 1969. Quant à Allen Ginsberg et les autres ils demeurent tels qu'on les imaginait. Lorsque la bande d'amis apprend que Burroughs a tué sa femme Joan à coup de révolver en jouant à Guillaume Tell on partage leur stupéfaction et leurs réactions. Ainsi j'ai beaucoup apprécié la façon qu'a cet ouvrage de nous plonger sans fard dans l'univers cru de la Beat Generation. De plus, les lettres authentiques se mêlent au récit ce qui nous plonge davantage dans le quotidien de ces hommes et de ces femmes.
C'est étonnant de voir à quel point une simple rencontre peut bousculer une vie entière. A la lecture de Sur ma route, on reste persuadés que Carolyn n'était pas faite pour vivre cette vie là. D'ailleurs, on ne peut s'empêcher de constater que finalement elle fût terriblement malheureuse. Lorsqu'elle goûtait au bonheur, c'était toujours avec l'amer arrière-goût que celui-ci serait bref. Elle savait que quoi qu'elle fasse elle était vouée à souffrir. Elle n'avait pourtant qu'un rêve : vivre avec son mari dans une belle maison, élever ses enfants en leur inculquant certaines valeurs et profiter des fêtes de fin d'année en famille. Mais Dean Moriarty était-il fait pour cette vie là? Lorsque Carolyn apprend la mort de Neal au téléphone elle soupire "Dieu merci, il est enfin délivré", mais ne voulait-elle pas plutôt parler d'elle-même?
Cet ouvrage enfin nous présente une autre facette de la Beat Generation. Ces héros, éclairés sous un autre jour, présentent un profil tout à fait différent. Si Jack Kerouac avait déjà commencé dans son œuvre à nous présenter une vision ambiguë de l'amour de la route, Carolyn confirme cette idée en présentant Neal comme un Midas des temps modernes : tellement avide de la vie qu'elle finit par lui glisser entre doigts sans qu'il ne puisse y gouter.
Sur ma route est un ouvrage plein d'émotion et de vérité qui confronte notre vision parfois fantasmée de la Beat Generation avec la réalité. Je le conseille à tous et surtout aux passionnés de ce mouvement qui a marqué et marque encore l'Amérique.
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