Le Magasin des Suicides de Jean Teulé

Critique du Magasin des Suicides de Jean Teulé

Résumé :

Quatrième de couverture : Vous avez raté votre vie? Avec nous, vous réussirez votre mort! Imaginez un magasin où l'on vend depuis dix générations tous les ingrédients possibles pour se suicider. Cette petite entreprise familiale prospère dans la tristesse et l'humeur sombre jusqu'au jour abominable où surgit un adversaire impitoyable : la joie de vivre...

Les affaires vont bon train pour la famille des Tuvache. En effet, les temps sont durs et les humeurs noires une aubaine pour des marchands de mort! Cela tombe bien car Mishima Tuvache, sa femme et ses enfants tiennent un magasin particulier qui propose à ses clients la réussite de leur... suicide! Des cordes pour la pendaison, des pommes empoisonnées, des sabres de samouraïs pour le hara-kiri (seppuku), des poisons : autant d'outils qui nous assurent de bien réussir notre passage vers "l'autre-côté". Ici, l'ennemi des profits c'est... le bonheur!

Mon avis :

On m'a beaucoup conseillé la lecture de ce livre dont j'avais déjà entendu parler plusieurs fois. L'auteur est également très plébiscité sur la toile et dans les librairies. L'ouvrage étant très court, je me suis dis qu'il pourrait faire office de "pause" entre deux classiques ou autres textes à lire pour la fac.

Tout d'abord, j'ai pensé que l'auteur était certainement doté d'une imagination débordante, ce qui lui avait permis de concevoir cette idée totalement folle d'un magasin qui pourrait vendre du matériel pour se suicider. Le concept du magasin à suicides est bien exploité ce qui donne lieu à des réflexions totalement absurdes notamment : peut-on mettre en place une carte de fidélité? Mais finalement on peut se demander si cet univers dystopique est totalement ancré dans un futur imaginé. De fait il existe aujourd'hui un "bizness de la mort", je pense notamment au marché des pompes funèbres qui a transformé le respect des morts et les rituels religieux de passage dans l'au-delà en une simple affaire d'argent. En outre passent même à la télévision des spots publicitaires qui encouragent les vivants à se préoccuper déjà de l'achat de leurs cercueils et autres formalités. L'auteur n'a donc fait que pousser à l'extrême l'idée d'un profit à faire grâce à la mort. C'est une façon sarcastique de pointer du doigt cette réalité plutôt dérangeante.

L'humour noir, l'ironie et le satirique grinçant sont des composantes omniprésentes à ce petit texte. J'ai noté certaines perles de non-sens qui méritent le détour notamment ce SDF qui n'a pas les moyens de se suicider et à qui le gérant du magasin propose un sac de l'enseigne gratuit afin qu'il s'étouffe. Pour le remercier de son geste, le SDF propose à ce dernier de se tuer devant le magasin pour faire de la pub : (p. 102) "Pour vous remercier, je l'enfilerai sur le banc d'en face. Les passants liront le nom du magasin autour de ma tête et ça vous fera un peu de réclame. Je serai en quelque sorte votre homme-sandwich". Cet humour noir est vraiment récurrent au fil du texte, par petites touches, sans en faire trop non plus.

Je préviens que je vais faire un bref commentaire de la chute du livre. Pour éviter que ceux qui n'ont pas lu le texte soient lésés je vais mettre cette partie de ma critique sous spoiler. Pour ceux qui ont lu le livre, n'hésitez pas à cliquer sur le bouton "afficher" pour lire la suite de mon avis.

Spoiler: 

J'ai été très surprise par la fin du texte, c'est-à-dire le suicide du plus jeune des Tuvache. En effet, le petit Alan est celui qui amené la joie dans le magasin et a donc permis sa transformation en une sorte d'enseigne de farces et attrapes. Ayant accompli sa mission il met fin à ses jours en lâchant la main de sa sœur qui tente de le sortir du vide. Cette chute (dans les deux sens du termes) tend à illustrer la figure de l'Ouroboros - le serpent qui se mort la queue - et montre qu'on ne peut pas vaincre la mort qui permet l'éternel recommencement de la vie et ferme le cycle de l'existence. J'ai particulièrement apprécié ce moment parce qu'il refuse le happy-end mielleux qu'il aurait été dommage de retrouver ici.

En bref, j'ai trouvé ici une lecture détente très appréciable. Le livre se lit très rapidement et est à la fois très divertissant. Ce n'est pas un livre qui va changer ma vie, ou qui va nourrir dans mon esprit un souvenir impérissable mais il aura eu le mérite de me proposer une histoire qui sort de l'ordinaire pour un résultat à la fois drôle et impertinent.

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