dimanche 15 juillet 2012

Indignation de Philip Roth

Critique d'Indignation de Philip Roth

Résumé :
Quatrième de couverture : Nous sommes en 1951, deuxième année de la guerre de Corée. Marcus Messner, jeune homme de dix-neuf ans d'origine juive, poursuit ses études au Winesburg College, dans le fin fond de l'Ohio. Il a quitté le New Jersey où habite sa famille, dans l'espoir d'échapper à la domination de son père, fou d'angoisse à l'idée que son fils bien-aimé entre dans l'âge adulte. En s'éloignant de ses parents, Marcus va tenter sa chance dans l'Amérique des années 1950. L'inconnu s'offre à lui, avec son cortège d'embûches et de surprises.
Avec ce roman d'apprentissage, Philip Roth poursuit son analyse de l'histoire de l'Amérique - celle des années cinquante, des tabous et des frustrations sexuelles - et de son impact sur la vie d'un homme jeune, isolé, vulnérable.
Marcus Messner est un garçon sans histoires : fils d'un boucher kasher il fait ses études sur un petit campus du New Jersey où il fournit un travail sérieux et obtient de bonnes notes. Cependant son père nourrit pour lui une si grande fierté qu'il commence à entrer dans une espèce de paranoïa qui le pousse à restreindre les libertés de son fils afin que ce dernier ne se trouve jamais en situation de danger. Petit à petit Marcus étouffe, et ce à un tel point qu'il ressent un urgent besoin de partir étudier ailleurs afin de quitter cette emprise paternelle étouffante et destructrice. Débute alors un parcours initiatique vers toujours plus de maturité. Mais si Marcus avait fuit un danger potentiel, pour se jeter dans les bras d'un autre?

Mon avis :
Cela fait pas mal de temps que j'avais envie de découvrir cet auteur, en effet un professeur à l'université - dans le cadre d'un cours de littérature comparée autour de la question de l'identité - nous avait longuement parlé d'un de ses texte intitulé La Tache. Le sujet de ce livre m'avait vivement frappée et le nom de l'auteur était donc resté dans un coin de mon esprit.
J'ai passé un très bon moment avec Indignation que j'ai lu très rapidement : l'histoire m'a happée aux côtés de Marcus Messner pour qui j'ai immédiatement éprouvé une vive sympathie. Ce personnage principal de jeune homme sur le point d'entrer dans l'âge adulte m'a touchée par sa maturité d'esprit tout à fait frappante qui côtoie par moment des actes enfantins et en décalage avec son comportement habituel. Paradoxalement, c'est son père qui l'étouffe et le "materne" alors que sa mère adopte une posture détachée et raisonnable. J'ai trouvé cette inversion des rôles traditionnels assez intéressante et je me suis posé la question de savoir s'il n'y avait pas là un rapport avec le métier du père qui est boucher. Le fils, accorde une attention particulière à la réussite de ses études : il veut être le meilleur et s'en donne les moyens. Par cette résolution, il entend certainement s'échapper de la condition de boucher qu'il a pu toucher du doigt alors qu'il travaillait avec son père dans la boucherie. Il convient aussi de remarquer que le père n'a pas d'autre ambition pour son fils que de le voir reprendre l'affaire familiale. Marcus Messner essaie donc de se détacher de sa classe d'appartenance grâce au tremplin des études supérieures. J'ai trouvé ce thème très intéressant et touchant d'autant plus qu'aujourd'hui, les études longues tendent petit à petit à perdre leur rôle d'ascenseur social.
Étant également étudiante, j'ai bien aimé retrouver dans ce livre des aspects de mes expériences personnelles quotidiennes : les longues heures de travail solitaire à la bibliothèque universitaire, les camarades de promo ou encore les déjeuners pris sur le pouce pour terminer un devoir. Le milieu universitaire est un univers que j'aime beaucoup et que je prends toujours beaucoup de plaisir à retrouver dans la fiction.
Je n'ai donc eu aucun problème à m'identifier au jeune homme et à ressentir une vive sympathie pour ce personnage harcelé de tous côtés par sa famille, le doyen des étudiants  ou encore ses compagnons de chambrée. On partage avec les lui les moment d'allégresse et les moments de doutes exactement comme s'il s'agissait d'un vieil ami que l'on connaît bien. Ce personnage a réussi a m'intéresser à un point tel qu'il m'était difficile de me détacher de cette lecture pour une autre occupation.
Cependant, en parallèle de ce contexte plutôt innocent, la deuxième guerre de Corée fait rage et la tension devient de plus en plus palpable au fil du texte. L'auteur réalise une véritable prouesse avec cette tension qui augmente par paliers réguliers et qu'il est difficile d'identifier formellement au fil de la lecture. Les allusions voilées à la guerre deviennent de plus en plus précises mais lorsque l'on comprend, il est peut-être déjà trop tard...
Finalement, le roman nous enseigne à quel point le plus inoffensif de nos choix présents peut radicalement et inéluctablement influencer notre avenir. Personnellement, je n'arrivais absolument pas à me résoudre à un pareil dénouement même si l'auteur l'annonce largement vers le milieu du livre. Il y a là aussi un coup de maître : Philip Roth nous emmène là où on ne veut surtout pas aller.
Ce roman rejoint les textes qui présentent des cercles vertueux soudainement brisés et des destins foudroyés par la fatalité. Toutefois, l'auteur nous rappelle avec insistance et raison qu'il ne faut jamais oublier que nous sommes bien souvent les acteurs principaux de notre propre tragédie.

Du même auteur :
  • La Tache
  • La Bête qui meurt
  • Le Rabaissement
Vous aimerez peut-être aussi :
  • Un été dans l'Ouest de Philippe Labro
  • Demande à la poussière de John Fante

Merci aux éditions Gallimard et leur collection Folio pour ce partenariat. Merci également au site internet Livraddict pour avoir assuré son organisation.

3 commentaires:

  1. Je n'ai lu ton avis qu'en diagonale puisque le livre est en haut de ma wishlist, mais ce que j'en ai lu suffit à me convaincre de le lire le plus vite possible ;)

    RépondreSupprimer
  2. il m'attend toujours sur l'étagère...

    RépondreSupprimer
  3. Bonjour, ce court roman m'a époustouflée, c'est un très grand livre. On se sent plus intelligent après l'avoir terminé. Bonne après-midi.

    RépondreSupprimer