jeudi 7 juin 2012

La Maison du Chat-qui-pelote de Balzac

Critique de La Maison du Chat-qui-pelote de Balzac


Résumé :
Quatrième de couverture : Cette nouvelle, écrite en 1829 et plus tard placée par Balzac en ouverture de La Comédie humaine, est un tableau vrai, tableau de Paris commerçant - le Marais et la rue Saint-Denis - que l'écrivain prend plaisir à peindre. Un tableau des moeurs également, et son premier titre, Gloire et malheur, laissait plus directement deviner que s'y jouait le destin d'une femme : "les humbles et modestes fleurs, écloses dans les vallées, meurent peut-être quand elles sont transplantées trop près des cieux, aux régions où se forment les orages, où le soleil est brûlant."
Mademoiselle Augustine Guillaume est une jeune fille issue de la petite bourgeoisie du commerce. Elle habite une drôle de bâtisse de la rue Saint-Denis et y mène une vie ordinaire et rangée jusqu'au jour où un promeneur atypique s'arrête devant la devanture de la maison du Chat-qui-pelote qui sert à la fois d'atelier, de magasin et de logement à la famille Guillaume. Ce flâneur solitaire n'est autre que Théodore de Sommervieux, un jeune peintre noble, qui est fasciné par les apparitions d'Augustine à sa fenêtre le matin. Emporté par la grâce de son modèle il décide de la peindre. Une intrigue amoureuse se construit alors entre les deux protagonistes et Augustine - contre les convenances de sa classe - se marie avec lui. Mais qu'en est-il de la viabilité de ce mariage? Le récit d'une vie foudroyée.

Mon avis :
Il est vrai que Balzac - parfois considéré comme le plus grand romancier français - avec son oeuvre monumentale et ses passages descriptifs réputés difficiles d'accès, peut facilement sembler intimidant au premier abord. En effet, par où commencer? Commençons par le commencement...
Balzac commence à publier vers 1830. Lorsqu'il décide de regrouper ses oeuvres sous le titre de La Comédie Humaine, il façonne une architecture précise à cette structure. Il choisit de placer la nouvelle qui nous occupe au début de son entreprise, juste à la suite du désormais très célèbre "Avant-Propos". Ce texte est donc pourvu d'une intéressante fonction d'ouverture et pour cause : la plupart des grands thèmes balzaciens y sont abordés comme l'impossibilité de s'extraire de sa classe sociale, le milieu de la bourgeoisie opposé à celui de la noblesse ou encore les difficultés qui peuvent survenir dans un mariage.
Le récit s'ouvre avec la peinture d'un tableau bien connu en littérature : celui d'une scène amoureuse avec l'amoureux dans la rue et la jeune-fille s'éveillant au balcon. D'emblée le lecteur se trouve face à un problème : la jeune fille à savoir Augustine est une bourgeoise alors que Théodore est - sans nul doute possible - un noble. Théodore possède une certaine élégance aristocrate. Il porte des "bas  de soie blancs" remarquables par la préciosité du tissu mais également par sa blancheur qui indique qu'il ne se déplace pas à pied dans la boue des rue parisienne mais en calèche à cheval. Il mène aussi une vie mondaine ce qui est typique de la noblesse et c'est également un artiste or chez Balzac l'artiste est bien souvent nécessairement d'une classe sociale très élevée ce qui lui permet son mode de vie particulier. Ce n'est pas le cas d'Augustine dont la famille tient un commerce. La condition sociale d'Augustine apparaît nettement dans cette phrase, lorsqu'elle croise les yeux de Théodore : "Semblable à ces fleurs de jour qui n'ont pas encore au matin déplié leur tunique roulée par le froid des nuits, la jeune fille, à peine éveillée, laissa errer ses yeux bleus sur les toits voisins et regarda le ciel ; puis, par une sorte d'habitude, elle les baissa sur les sombres régions de la rue, où ils rencontrèrent aussitôt ceux de son adorateur : la coquetterie la fit sans doute souffrir d'être vue en déshabillé, elle se retira vivement en arrière, le tourniquet tout usé tourna, la croisée redescendit avec cette rapidité qui, de nos jours, a valu un nom odieux à cette naïve invention de nos ancêtres, et la vision disparut." Ici, malgré la description très poétique de la jeune fille, la mention de sa "coquetterie" opère une certaine dissonance qui indique qu'elle n'est pas noble. En effet, elle ne se cache pas au regard de sa vertu mais parce qu'elle craint de n'être pas assez jolie. Le portrait d'Augustine et celui de Théodore, en ce qu'ils traduisent deux appartenances à des classes sociales différentes, mettent en lumière une dissonance qui prendra une importance capitale dans la suite du récit. C'est que Balzac nous présente d'emblée une scène amoureuse stéréotypée d'amour courtois avec la femme élevée au balcon et le prétendant au sol comme indigne de sa dulcinée vertueuse pour mieux la déconstruire dans toute la suite de sa nouvelle. Le romancier va en réalité travailler à remettre chaque caractère à sa place légitime : Augustine la bourgeoise va descendre métaphoriquement de l'encadrement de sa fenêtre et Théodore l'artiste noble va remonter dans les hautes sphères auxquelles il appartient. J'ai trouvé cette orchestration du renversement des rôles à la fois terrible et implacable. Le lecteur s'attend dès le début à être le témoin muet d'une catastrophe en marche.
Car finalement le thème principal de cette nouvelle est l'impossibilité fondamentale de s'extraire de sa classe sociale d'origine et d'appartenance.  L'intrigue se concentre autour du personnage d'Augustine qui est sincèrement amoureuse de son mari mais ce dernier finit par la tromper en se prenant d'affection pour une noble : la duchesse de Carigliano. Malgré tout son amour de femme aimante, Augustine ne parvient pas à retrouver l'amour de son mari, elle se rend donc chez sa soeur Virginie qui connaît le bonheur avec son mari qui était initialement le promis d'Augustine. Elle tente ensuite de trouver un réconfort chez ses parents qui lui apparaissent comme deux bourgeois sans goût et sans préoccupations élevées. Augustine s'étant mariée avec un noble a intériorisé certains sociotypes de cette classe qui n'est pas la sienne ce qui fait d'elle une étrangère à la fois à sa classe d'origine et à sa classe d'adoption. Le fait qu'Augustine est devenue une étrangère à sa propre classe est particulièrement clair ici, lorsqu'elle se trouve chez ses parents : "L'aspect de cet hôtel et de ces appartements où tout avait une senteur de vieillesse et de médiocrité, le spectacle donné par ces deux êtres qui semblaient échoués sur un rocher d'or loin du monde et des idées qui font vivre, surprirent Augustine ; elle contemplait en ce moment la seconde partie du tableau dont le commencement l'avait frappé chez Jospeh Lebas, celui d'une vie agitée quoique sans mouvement, espèce d'existence mécanique et instinctive semblable à celle des castors ; elle eut alors je ne sais quel orgueil de ses chagrins, en pensant qu'ils prenaient leur source dans un bonheur de dix-huit mois qui valait à  ses yeux mille existences comme celle dont le vide lui semblait horrible". Ainsi Augustine ne peut plus se réfugier dans sa classe d'origine, elle rend donc visite à la duchesse de Carigliano pour lui demander de lui rendre son mari qu'elle aime mais elle est frappée par une autre vérité : elle ne fera jamais partie de la noblesse aristocratique et seule une femme comme la duchesse de Carigliano, pourra rendre son mari heureux du fait qu'ils appartiennent à la même classe. Ce cruel et amer constat, il est magistralement proposé au lecteur en ces termes : "Le génie de la maîtresse de ces appartements respirait tout entier dans le salon où attendait Augustine. Elle tâcha d'y deviner le caractère de sa rivale par l'aspect des objets épars ; mais il y avait là quelque chose d'impénétrable dans le désordre comme dans la symétrie, et pour la simple Augustine ce fut lettres closes. Tout ce qu'elle put y voir, c'était que la duchesse était une femme supérieure en tant que femme. Elle eut alors une pensée douloureuse.
"Helas! serait-il vrai, se dit-elle, qu'un coeur aimant et simple ne suffise pas à un artiste ; et pour balancer le poids des âmes fortes, faut-il les unir à des âmes féminines dont la puissance soit pareille à la leur? Si j'avais été élevée comme cette sirène, au moins nos armes eussent été égales au moment de la lutte."
Je trouve ce constat d'Augustine très fort émotionnellement, c'est un passage qui me touche profondément aussi parce qu'il signe l'arrêt de mort du personnage qui sera pleinement prononcé quand elle ira retrouver, après sa rencontre avec la duchesse, son mari qui ne l'aime plus. En effet, Augustine qui n'est plus alors ni une bourgeoise ni une aristocrate n'a pas d'autre destin que d'être broyée entre les classes. Et la courte nouvelle se clôt avec cette phrase - qui pourrait faire office de morale - de l'ami anonyme qui se rend le jour des morts sur la tombe de la malheureuse : "Les humbles et modestes fleurs, écloses dans les vallées, meurent peut-être, se dit-il, quand elles sont transplantées trop près des cieux, aux régions où se forment les orages, où le soleil est brûlant". On comprend mieux alors le titre initial donné à cette nouvelle : Gloire et malheur qui illustre la trajectoire ascendante et descendante d'Augustine à travers son mariage puis le constat qu'elle n'est qu'une déclassée sans espace de refuge.
Je suis donc totalement sous le charme de ce premier contact avec l'univers balzacien et je ne compte pas le quitter de sitôt, ce qui me fait penser à une citation extraite d'un cours de Marie-Jeanne Durry prononcé à la Sorbonne : "Lire Balzac. Ce que vous devriez faire, votre hommage à vous étudiants ; et c'est vous qui en seriez les premiers récompensés - c'est de vous jeter à corps perdu dans la lecture de Balzac ; prenez-le par n'importe quel bout, ne le lâchez pas pendant quelques jours, vous ne le lâcherez plus jamais ; et pour toujours vous serez des habitants du monde balzacien, de ce monde dont les personnages vous deviendront familiers comme ceux de la vie, reparaissant de roman en roman comme les membres d'une société qui serait la vôtre, acteurs qu'à travers une prodigieuse diversité d'intrigue vous retrouverez aux différents âges de la vie, dans leurs rôles et sous leurs masques dans leurs drames, dans leur mêlée inextricable et dans leur autonomie." (Marie-Jeanne Durry "Balzac, un début dans la vie" C.D.U. 1966).

Du même auteur :
  • Illusions perdues
  • Eugénie Grandet
  • Le père Goriot
  • Le Lys dans la vallée
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8 commentaires:

  1. Balzac est en effet un bon auteur mais c'est récit maintenant moins moderne n'accroche pas completement le lecteur mais il arrive a le fasciné avec son réalisme qui fait croire au lecteur qu'il le vie. Très bon roman.

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    1. Je suis toute à fait d'accord avec toi mais ne pense tu pas que Balzac et quand même à la hauteur des attendes de ses lecteurs ? Moi je pense qu'il ne faut pas en changer le textes qui fut autre fois très reconnue. Et " c'est" ne s'écrit pas comme sa mais comme sa : " ses" .

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    2. Oui un peu d'humilité devant l'oeuvre de Balzac est de rigueur. Notre jugement subjectif est bien peu de choses face à *La Comédie Humaine*.

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  2. je ne suis pas d'ccaord , c'est de la crotte!!

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    1. C'est le genre de crotte dans lequel j'aimerais marcher plus souvent.

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  3. Bonjour, je doit faire un dossier de lecture sur ce livre, pour vous qu'elle est la plus belle phrase de ce livre :$$ Merci d'avance

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    1. La véritable question est de savoir quelle phrase vous plaît le plus A VOUS, dans ce texte-là.

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    2. Ouii mais j'arrive vraiment pas à trouver donc si quelqu'un pourrais m'aider sa serait sympa

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